Plinio Corrêa de Oliveira

 

 

Le mythe égalitaire aux Etats-Unis

Les élites traditionnelles analogues

à la noblesse :

une réalité reconnue par les spécialistes

 

 

Le Nouvel Aperçu, Paris, N° 10 Mars/Avril 1995 (*)

  Bookmark and Share

En France comme partout dans le monde, la révolution culturelle prêche une vision égalitaire de la vie sociale. Cette offensive culturelle vise à détruire les fondements même de notre civilisation chrétienne. Pour cela, la propagande utilise massivement l'influence artificielle d'un pseudo « modèle de vie américain ». Les médias, les films de style Hollywood s'emploient à diffuser cet état d'esprit. A tous ceux qui veulent vraiment le combattre, il importe de dénoncer ce gigantesque mensonge et de mettre en lumière ce que les médias cachent avec soin : il y a, aux Etats-Unis comme chez nous, des traditions bien vivantes qui s'opposent au nivellement par le bas.

Sous la couche égalitaire et révolutionnaire, la vie sociale et culturelle nord-américaine est une réalité complexe, variée, où la tradition et la hiérarchie occupent une place importante. Aujourd’hui, les sociologues et les spécialistes en la matière sont unanimes à le reconnaître.

Dans son livre Noblesse et élites traditionnelles dans les allocutions de Pie XII, le professeur Plinio Corrêa de Oliveira développe ce thème. L'édition américaine de ce livre publie un appendice qui fourmille d'exemples et montre qu'aux Etats-Unis une élite, d'essence aristocratique, donne le ton et l'impulsion véritable à toute la vie sociale. Les médias et Hollywood cachent cette réalité, Aperçu en parle en présentant ci-dessous un résumé de cet appendice. 

 

 

Salon de musique du manoir Breakers à Newport. Distinction, raffinement et charme : un aspect de la haute société américaines qui est à des années-lumière du Rock, des Tags, du Hip Hop et des fast-food. Vous en aviez entendu parler ?

Les mythes ont la vie dure. Et selon eux, aux Etats-Unis, la seule différence sociale serait basée sur le « tout-puissant » billet vert. Le « mythe américain » voudrait que ne puissent appartenir à la haute société que les richissimes « self-made men » (homme qui s'est fait tout seul), aux goûts et aux manières plébéiens, voire vulgaires, n’ayant que du mépris pour les traditions familiales et pour les raffinements de la culture.

Sans doute influencés par ce cliché, les sociologues ont fait mine d’ignorer pendant longtemps l'existence d'élites traditionnelles aux Etats-Unis. Aujourd’hui cependant, les bases de ce mythe sont très sérieusement remises en question. William Domhoff, par exemple, affirme sans détour que la société nord-américaine est hiérarchisée et que « les spécialistes ont réfuté le mythe d’une société sans classes. La structure sociale de l’Amérique est formée de strates s'emboîtant les unes dans les autres jusqu'au plus haut niveau ».

Par ailleurs, les études du sociologue Lloyd Warner montrent que le statut social aux Etats-Unis ne provient pas de la ploutocratie et il constate « la présence d’un système de classes bien définies. A son sommet on y trouve une aristocratie de naissance et de fortune (…) dont le lignage participe, au long de nombreuses générations, d’un style de vie caractéristique de la haute société. Les nouvelles familles aspirent au statut de vieilles familles, sinon pour eux au moins pour leurs enfants ». 

L'hérédité du statut social aux Etats-Unis

Le statut social se transmet par la famille. Quand un de ses membres obtient par un mérite personnel une distinction supplémentaire, les autres membres de la famille participent à l'élévation sociale, et cette distinction s'incorpore au patrimoine familial. Le statut social accordé à une famille tend ainsi à devenir héréditaire.

Dans son étude sur la stratification sociale, Egon Bergel déclare: « Ce qui est totalement ignoré c'est le caractère héréditaire du statut social ; même dans notre système extrêmement mobile, le statut reçu, hérité, est la règle et le statut acquis est l'exception. »

Lorsque, à l'intérieur de lignages d'une classe supérieure dont les membres se marient généralement entre eux, le statut social se transmet sur de longues générations, il se forme ainsi - n'en déplaise à la forme « démocratique » de l'Etat - une véritable élite traditionnelle ou aristocratie.

Outre le statut social et les biens matériels, les qualités morales constituent aussi un précieux héritage, transmis de génération en génération, qui constitue le patrimoine moral de la famille. Chaque génération transmet à la suivante ses valeurs morales, ses traditions culturelles ainsi que l'ensemble des honneurs et des hauts faits de la famille. Ce patrimoine est défini par le sociologue Bernard Barber comme étant « probablement la propriété la plus précieuse d'un groupe familial ».

Cette véritable tendance à former de grandes familles de type patriarcal est spécialement notable dans le Sud des Etats-Unis. Là, des clans cherchent à conserver leur patrimoine à l’intérieur de la famille, si possible aux mains de l'aîné et vivent dans l'orbite immédiate de la propriété familiale, qui peut être un manoir ancestral. On constate donc que la continuité familiale de ces élites authentiques contribue à former de véritables dynasties. Ce processus est en tout point comparable à la formation de l'aristocratie en Europe. 

Organisation actuelle des élites traditionnelles

Le dynamisme réel des élites traditionnelles dans l'Amérique actuelle est souvent mis de côté ou occulté par la rhétorique « démocratique » des adeptes de la société de masse et de la culture égalitaire. En outre, la structure de l'Etat moderne prive malheureusement le public de ce que Pie XII appelait l'inuence bénéfique des modèles sociaux traditionnels.

Les modèles traditionnels voient en effet leur place et leur fonction usurpées et ridiculisées par les vedettes et les célébrités lancées par Hollywood, par le monde des sports et par la vulgarité des ploutocrates que les médias exaltent. De ce fait, les élites traditionnelles n'ont plus l'occasion de montrer en public leurs tendances aristocratiques.

Ceci ne veut pourtant pas dire que ces élites authentiques n'existent pas ou ont perdu leur vigueur. C'est ce qu'affirme le journaliste Martin Stanfield : « Certains pensent que l'aristocratie nord-américaine a disparu il y a deux cents ans, quand les titres héréditaires ont été interdits par la Constitution, mais c’est totalement faux. Il n'y a pas de titres héréditaires américains, mais l'aristocratie dans tous les autres sens du mot - bonne éducation, influence et fortune (...) - est vivante et en pleine croissance actuellement dans ce pays ».

 

 

Le général Ruben E. Lee – membre d'une famille aristocratique de Virginia - signe la rédition des armées sudistes en présence du général Grant. La dignité dans l’adversité est une caractéristique des véritables élites.

Les associations héréditaires : « un écran de traditions et de bonnes manières »

Ce sont ces « vieilles familles » qui transmettent dynamisme et caractère aux secteurs les plus raffinés de la haute société, à travers un ensemble surprenant d’institutions et d’associations. Dans leur ensemble, ces organisations, composées de familles traditionnelles, forment des cercles concentriques exclusifs. Le registre héréditaire des Etats-Unis cite 109 associations héréditaires, la plus ancienne fondée en 1637 et la plus récente en 1975.

Ces associations se forment souvent dans le but exclusif de perpétuer la mémoire d'ancêtres qui ont fondé villes, colonies ou Etats, ou qui ont occupé des postes importants dans le gouvernement, dans la vie militaire ou dans la société, à différentes époques de l'histoire de la Nation. La plus grande partie de ces associations se présentent comme patriotiques et culturelles, et c'est ainsi qu'elles sont perçues par le public.

En réalité elles ont beaucoup plus d'importance qu'il ne semble. La plupart maintiennent un exclusivisme tout à fait légitime, basé sur l'hérédité, qui n'hésite pas à contredire par la un des clichés de la société égalitaire. Wallace Davies, dans son étude sur les associations héréditaires nord-américaines, souligne ce paradoxe : « Le sentiment patriotique et l'intérêt pour le passé du pays ne suffisent pas à expliquer la forme héréditaire de ces associations. En effet, l'intérêt pour les institutions républicaines et pour les idées de démocratie (...) semblerait en contradiction avec une telle imitation de l’aristocratie de l'Ancien Monde et avec une position sociale basée sur la naissance ».

Il est évident que le simple fait d’appartenir à l’une de ces organisations ne transforme personne en aristocrate. Ce qui est réellement intéressant de noter ici ce sont les motivations psychologiques qui inspirent nombre de ces associations, basées comme on l'a dit sur des critères sélectifs anti-égalitaires. L'historien John Ingram explique que la haute classe traditionnelle a formé ces institutions afin de tendre un écran de traditions et de bonnes manières « destiné à laisser de côté les indésirables et modérer les appétits des irnpétueux ». De telle sorte que les familles des nouveaux riches soient obligées de rendre hommage à la tradition et mal à l'aise si elles veulent assumer une attitude d'arrogance et de mépris, en exhibant leur richesse insolente face à une aristocratie éventuellement appauvrie.

La continuité des élites nord-américaines constitue une source importante de conservatisme social et de stabilité. C'est ce qu’afrme également le sociologue William Domhoff : « La haute classe n’est pas constituée d'une poignée d'excentriques, membres du “jet-set" ou de vieilles familles décadentes laissées de côté par l'ascension des grandes compagnies privées ou des bureaucraties d’Etat. Au contraire. il s'agit de familles membres d'une classe en pleine expansion qui continue aussi vivante et saine que par le passé ».


(*) Note : Cet article est une synthèse de l'appendice de l'édition en langue anglaise du livre du professeur Plinio Corrêa de Oliveira - appendice qui constitue une analyse sociologique des élites aux Etats-Unis - Nobility and Analogous Traditional Elites in the Allocutions of Pio XII, a Theme illuminating American Social History, édité par Hamilton Press (EUA), 1993.


ROI campagne pubblicitarie