Acte d’aveugle abandon et d’amoureuse confiance en la douce Vierge Marie : une prière qui est un chef-d’œuvre

Par Plinio Corrêa de Oliveira

Conférence du 3 janvier 1967 (traduction sans révision de l’auteur)

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Eglise de San Bernardino, Bergame (Italie) – photo de notre site

On m’a demandé de commenter cette prière :

Douce Vierge Marie, mon auguste souveraine, mon aimable maîtresse, ma toute bonne et toute aimante mère ! Douce Vierge Marie, j’ai placé en vous toute mon espérance, et je ne serai point confondue…

Douce Vierge Marie, je crois si fermement que, du haut du ciel, vous veillez jour et nuit sur moi et sur ceux qui espèrent en vous, je suis si intimement convaincue que jamais on ne peut manquer de rien quand on attend toutes choses de vous…, que j’ai résolu de vivre à l’avenir sans aucune appréhension, et de me décharger entièrement sur vous de toutes inquiétudes…

Douce Vierge Marie, vous m’avez établie dans la plus inébranlable confiance ! Ah ! merci mille fois d’une grâce si précieuse ! Je demeurerai désormais en paix sur votre cœur si pur ; je ne songerai qu’à vous aimer et à vous obéir, tandis que vous gèrerez vous-même, bonne mère, mes plus chers intérêts…

Douce Vierge Marie, que parmi les enfants des hommes les uns attendent la félicité de leurs richesses, que d’autres la cherchent dans leurs talents, que d’autres s’appuient sur l’innocence de leur vie, ou sur la rigueur de leur pénitence, ou sur la ferveur de leurs prières, ou sur le grand nombre de leurs bonnes œuvres, pour moi, pauvre enfant, qui n’ai que mon peu d’amour en partage, pour moi, ma mère, j’espèrerai en vous seule, après Dieu, et tout le fondement de mon espérance, ce sera ma confiance même en vos éternelles bontés !…

Douce Vierge Marie, les méchants pourront m’enlever la réputation et le peu de bien que je possède, les maladies pourront m’ôter les forces et la faculté extérieure de vous servir : je pourrai, moi-même, hélas ! ma tendre mère, perdre vos bonnes grâces par le péché, mais mon amoureuse confiance en vos maternelles bontés, jamais ! Oh ! non, jamais je ne la perdrai ; je la conserverai, cette inébranlable confiance, jusqu’à mon dernier soupir ; tous les efforts de l’enfer ne me la raviront point ; je mourrai, bonne mère, en répétant mille fois votre nom béni, en faisant reposer sur votre cœur immaculé toute mon espérance.

Et pourquoi suis-je si fermement sûre d’espérer toujours en vous, si ce n’est parce que vous m’avez appris, vous-même, très-douce Vierge, que vous êtes toute miséricorde, et rien que miséricorde…?

Je suis donc sûre, ô toute bonne et toute aimante Marie, je suis sûre que je vous invoquerai toujours, parce que vous me consolerez toujours…; que je vous remercierai toujours, parce que toujours vous me soulagerez…; que je vous servirai toujours, parce que toujours vous m’aiderez ; que je vous aimerai toujours, parce que toujours vous m’aimerez ; que j’obtiendrai toujours tout de vous, parce que toujours votre libéral amour dépassera mon espérance.

Oui, c’est de vous seule, ô douce Vierge, que, malgré mes fautes, j’espère et j’attends l’unique bien que je désire, l’union à Jésus dans le temps et l’éternité… C’est de vous seule, parce que c’est vous que mon divin Sauveur a choisie pour me dispenser toutes ses faveurs, et pour me conduire sûrement à lui. Oui, c’est vous, ma mère, qui, après m’avoir appris à compatir aux humiliations et aux souffrances de votre divin Fils, m’introduirez dans sa gloire et dans ses délices, pour le louer et le bénir, près de vous et avec vous, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

C’est là ma plus grande confiance et toute la raison de mon espérance : Haec mea maxima fiducia, haec tota ratis spei meae ! (S. Bernard).

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Cette prière a été composée par Mgr. Joseph Trouillet [1809-1887], dont on peut voir son Orant à l’intérieur de la basilique Saint-Epvre de Nancy, œuvre d’Ernest Bussière – photo Wikipedia, par G. Garitan — Travail personnel, CC BY-SA 3.0). Son texte a été diffusés par plusieurs blogs/sites, et publié par le “Livre d’Or – Manuel complet de la parfaite dévotion à la très sainte Vierge d’après S. Louis-Marie de Montfort”, 6e. édition, Pères Montfortains, Louvain, 1960, pages 689-692.

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La prière est vraiment merveilleuse ! C’est une prière avec un mélange d’humilité et d’audace, de tendresse et de feu, de fierté, qu’il est difficile de trouver dans les expressions d’un seul homme.

D’une part, sa tendresse à l’égard de la Vierge atteint la limite ultime. Surtout, la persuasion de sa tendresse envers nous atteint sa limite ultime.

Mais d’autre part, même dans la manière dont elle chante sa tendresse, il n’y a rien d’efféminé, rien d’indigne d’un homme. Au contraire, il y a une sorte d’audace dans cette tendresse, une audace encouragée par cette tendresse, stimulée par cette tendresse, qui fait de cette prière un chef-d’œuvre, parce qu’elle a toute la douceur d’une colombe, mais elle a le vol d’un aigle.

Elle va droit au Cœur Immaculé de Marie. Et avec une liberté, une aisance – j’oserais dire – une familiarité pleine de vénération, une intimité, qui nous étonne vraiment.

Il parle ici de la vertu de confiance. Et il montre en quoi consiste cette vertu. Puis il montre les raisons qui sont les racines de cette vertu. Cette vertu consiste fondamentalement à savoir que la Vierge – comme il le dit – est toute tendresse et qu’en elle il n’y a rien d’autre que de la tendresse.

En d’autres termes, il n’y a pas de sévérité, il n’y a pas de jugement, il n’y a pas de justice, il n’y a rien d’autre en elle que cela. Et puisqu’il en est ainsi et que telle est sa disposition à l’égard de tous les hommes, il est logique, il est obligatoire, il est inévitable que tout homme qui sait qu’il en est ainsi ait une confiance illimitée en elle.

Confiance en quoi ? Dans deux domaines : d’abord, en ce qui concerne la vie terrestre ; ensuite, en ce qui concerne la vie éternelle.

Confiance dans le fait que la Vierge gérera ses intérêts dans cette vie. Une confiance qui, d’une certaine manière, couvre aussi ses véritables intérêts terrestres.

L’auteur de la prière parle ici en termes généraux, pas seulement pour les religieux, mais c’est une prière que tout croyant peut répéter et faire sienne. Et ici, il est entendu que nous, dans nos propres intérêts terrestres, dans ce qui est légitime et sanctifiant, nous devons faire confiance à la Vierge.

* Lorsque la tempête atteint son paroxysme, il est temps de préparer l’encens pour chanter le “Magnificat”, car la Vierge interviendra et nous sauvera. C’est une confiance inébranlable

Demander à la Vierge de s’en occuper, de faire pour nous ce que nous ne pouvons pas faire.

Nous savons tous que la Providence a des desseins insondables et qu’elle peut donc vouloir nous soumettre, d’un moment à l’autre, à des souffrances que nous n’avions pas prévues.

Nous savons aussi que la Providence veut généralement que ceux qu’elle aime passent par beaucoup de souffrances. Nous savons donc que, dans cette vie, nous devons souffrir.

Cependant, il y a des intérêts terrestres que, par un mouvement interne de la grâce, par un certain sens des proportions, etc., nous savons et voyons que la Providence ne veut probablement pas qu’ils soient perdus ou immolés. Nous devons confier ces intérêts à la Sainte Vierge.

Elle veillera sur eux, elle les soutiendra, elle les protégera, de telle sorte que nous n’ayons pas à être inquiets, nous n’ayons pas à être dans l’agitation, nous n’ayons pas à être anxieux et à manquer de distance psychique.

Mais au pire de nos angoisses et de nos soucis, il faut se rappeler ce que dit l’abbé Saint-Laurent dans le “Livre de la Confiance” : quand la tourmente ou la tempête est à son comble, il est temps de préparer l’encens et tout ce qu’il faut pour chanter le “Magnificat”. Car lorsque la souffrance est à son comble, la Vierge intervient et nous sauve. En d’autres termes, il s’agit d’une confiance inébranlable.

Une confiance qui grandit à vue d’œil lorsqu’il ne s’agit pas de nos intérêts terrestres individuels, mais de notre apostolat.

La Sainte Vierge veut notre apostolat, elle nous en a donné mille preuves et les multiplie sans cesse. Si elle veut notre apostolat, elle le mènera au succès.

Et nous n’avons pas à nous mettre dans cette position terrible : « Moi, je règle les affaires ordinaires de l’apostolat avec mes forces et mes capacités. Notre Dame s’occupera de l’extraordinaire ». C’est une attitude erronée !

* La Sainte Vierge n’interrompt pas l’œuvre qu’elle a commencée et nous y conduit si nous savons lui faire confiance.

La Sainte Vierge, en tant que Médiatrice toute-puissante auprès de Dieu, résout tout. J’ai besoin de son aide pour les petites et les grandes choses. Pour le banal comme pour l’énorme.

Et même si les choses de l’apostolat peuvent sembler très compliquées, très compliquées, je dois faire confiance à la Sainte Vierge pour les résoudre ; je mets ma confiance en elle et je ne pense à rien d’autre.

Cela vaut encore plus pour notre vie spirituelle. Notre Dame nous a appelés à la TFP, et dans cette vocation, elle nous appelle à la sainteté. Si elle nous appelle à la sainteté, elle n’interrompra pas le travail qu’elle a commencé et elle nous y conduira si nous savons faire confiance.

Quelqu’un dira : « Dr Plinio, belles paroles… En réalité, elles sont vides et ne correspondent à rien, parce que si je pèche, je crée des obstacles à l’action de la Vierge. Et si je crée des obstacles à l’action de la Vierge, je ne peux pas supposer qu’elle va me sanctifier. En d’autres termes, vous dites quelque chose de très beau, mais qui ne vaut rien, qui n’a pas de substance. C’est une chimère ».

La réponse est dans cette prière. Même si nous avons l’énorme douleur d’avoir offensé la Sainte Vierge, même si nous avons la douleur de l’avoir gravement offensée, nous devons continuer à lui faire confiance. Parce que si nous nous méfions d’elle, tout est perdu. Elle est la porte du ciel ! Et si, par manque de confiance, nous fermons la porte du ciel, nous nous condamnons nous-mêmes.

* Si tu perds ta confiance en Dieu après avoir péché, tu commets un autre péché, encore plus grave. Tant que l’on a confiance, le chemin est ouvert

Si, cependant, nous continuons à nous confier à elle contre toute confiance, elle recevra au moins de nous cette forme de gloire, qui est celle du pécheur qui se confie à elle. C’est une forme de gloire. Le péché est une atteinte à la gloire de la Vierge. Mais le pécheur qui continue à se confier à elle lui donne une forme de gloire qu’aucun juste ne peut donner, et qui est exactement la gloire de la confiance de celui qui a offensé.

Avoir confiance en cela, espérer contre toute espérance, même dans les difficultés et les nids-de-poule de notre vie spirituelle, c’est ce que cette prière recommande vivement ici.

Et elle rappelle les paroles de saint François Xavier, selon lesquelles le pire dans le péché – même si le péché est une horreur – le pire dans le péché n’est pas tant le péché, mais le fait qu’après le péché, la personne perde confiance en Dieu. C’est à ce moment-là que le pire des péchés survient.

Car tant que l’on a confiance, le chemin reste ouvert, tout est possible. Même pour le péché de tiédeur, qui est un péché pour lequel Notre Seigneur dit : “Je vous vomirai de ma bouche”.

* Nous devons espérer que la Sainte Vierge nous aidera à l’heure de la mort.

Il [l’auteur de la prière] termine ensuite en parlant de la vie éternelle. Et il dit cette chose merveilleuse : qu’à l’heure de la mort, sa confiance sera telle qu’il mourra le cœur appuyé sur le Cœur Immaculé de Marie. C’est une expression symbolique, bien sûr, mais c’est une expression qui a une valeur énorme.

Elle rappelle celle de saint Jean se penchant sur le Sacré-Cœur de Jésus lors de la Cène et demandant qui le trahirait. Il s’agit donc d’écouter les battements de cœur du Sacré-Cœur de Jésus.

Il y a aussi une grande espérance que la Sainte Vierge nous aide à l’heure de la mort. Elle peut même nous donner une mort pleine des sentiments de sa présence, si c’est pour sa plus grande gloire et pour le bien de notre âme.

En tout cas, même si notre mort doit être très aride, même alors, cette aridité sera pour le bien de notre âme afin que nous puissions aller au Ciel, passer le moins de temps possible au Purgatoire, aller le plus haut possible au Ciel, et que les souffrances de l’heure de la mort nous aident à sauver beaucoup d’âmes.

Telle est l’admirable pensée contenue dans cette prière, elle est si belle que si nous devions rééditer le petit livre « Preces pro oportunitate dicendae », j’ai l’impression qu’il serait bon de l’y agréer, tant elle est pleine de sens et admirable à tout point de vue.

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