Bienheureux Urbain II (29 juillet) appelle à la première croisade – Application pour les jours présents

Saint du jour, 28 juillet 1967
Par Plinio Corrêa de Oliveira

 

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Le pape Urbain II préside le concile de Clermont
(Sébastien Mamerot, Les Passages d’outremer faits par les François contre les Turcs depuis Charlemagne jusqu’en 1462. Manuscrit enluminé sur parchemin, Bourges, Jean Colombe, 1474-1475)
Demain, 29 juillet, sera la fête du bienheureux Urbain II, pape. Ses données biographiques sont tirées de l’Encyclopédie « Espasa-Calpe », Urbano II.
Urbain II fut pape de 1088 à 1099 ; défenseur de la liberté de l’Église, il poursuivit l’œuvre de saint Grégoire VII. Il promut la première croisade. Le concile de Clermont avait pour principal objectif de discuter de la croisade. Le peuple attendait avec impatience le jour de l’expédition annoncée. Finalement, le pape satisfit son impatience. Il s’assit sur le trône spécialement préparé pour l’occasion, avec à ses côtés Pierre, l’ermite. À ses pieds, une foule immense : cardinaux, abbés, prêtres, moines, chevaliers et peuple. Après les paroles de Pierre, décrivant ce qu’il avait vu à Jérusalem, Urbain II s’adressa à tous (*) :
« Allez, frères, allez avec espoir, à l’assaut des ennemis de Dieu qui, depuis longtemps, dominent la Syrie, l’Arménie et les pays d’Asie Mineure. Ils ont déjà causé beaucoup de dégâts : ils ont usurpé le Sépulcre du Christ, les merveilleux monuments de notre foi ; ils ont interdit aux pèlerins l’accès à une ville dont seuls les chrétiens savent apprécier la véritable valeur. N’est-ce pas suffisant pour assombrir la sérénité de nos visages ? Allez et montrez votre valeur. Allez, soldats, et votre renommée s’étendra dans le monde entier. Ne craignez pas de perdre le Royaume de Dieu à cause d’une grande tribulation. Si vous tombez prisonniers, affrontez les pires tourments pour votre foi et vous sauverez vos âmes en perdant votre corps. N’hésitez pas, très chers frères, à sacrifier votre vie pour le bien de vos frères. Que l’amour de votre famille, de votre patrie ou des richesses ne vous retienne pas, car l’homme doit son amour avant tout à Dieu, et la terre entière est vôtre. Et quel plus grand bonheur pour un chrétien que de voir, au cours de sa vie, les lieux où le Seigneur a parlé la langue des hommes ? »
Aux paroles du pontife, les fidèles répondirent d’une seule voix : Dieu le veut ! Et Urbain ajouta :
« Votre cri ne serait pas unanime s’il n’était inspiré par le Saint-Esprit. Que cette parole soit donc votre cri de guerre, annonçant la puissance du Dieu des armées. Et ceux qui entreprendront ce voyage devront porter l’image de la Croix. Que la Croix soit sur votre épée et sur votre poitrine, sur vos armes et sur vos étendards. Qu’elle soit pour vous la couronne de la victoire ou la palme du martyre et l’insigne qui unit les enfants dispersés de la maison d’Israël. Elle vous rappellera continuellement que Jésus-Christ est mort pour vous et que vous devez mourir pour Lui ».
Le départ de la croisade fut fixé au 15 août, fête de l’Assomption de Marie.

 

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Le pape Urbain II prêchant la première croisade sur la place de Clermont, tableau de Francesco Hayez (1835) – Wikipedia (par Fondazione Cariplo, CC BY-SA 3.0)

 

Vous voyez combien cette scène est belle. Quelle beauté… comparable aux tristesses de nos jours.
Tout d’abord, le Concile de Clermont. Un concile présidé par le pape et – fait merveilleux – un saint assis sur le siège de Saint-Pierre : la lumière, placée sur un candélabre, pour éclairer tous les peuples. Celui qui est le centre de rayonnement de la vertu, placé sur la chaire où l’on enseigne la vérité et le bien, et qui se dirige vers les phalanges de Notre Seigneur et de Notre Dame pour lutter contre l’adversaire. Cet homme, comme un nouvel ange, est assis sur la chaire de Saint Pierre et se prend de zèle pour le malheur des lieux saints. Il ne peut tolérer que les lieux saints soient en possession des infidèles. Il ne peut supporter qu’il soit si difficile d’accéder aux lieux saints, et qu’il faille affronter tant d’épreuves pour y rendre culte à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Mais surtout, et c’est le premier point qui pèse : la gloire de Dieu offensée par la possession, par les infidèles, d’un lieu que la chrétienté est assez forte pour avoir, et pour y rendre le vrai culte au vrai Dieu.
Il réunit donc un concile. Et ce concile, réuni à Clermont, en France, est entouré d’une foule immense qui assiste à la délibération et attend le résultat de la délibération. Le pape arrive et s’assoit sur un trône, armé devant cette population pleine de foi. Il est naturellement entouré des prêtres du concile et du peuple.
Il y a là une merveilleuse miniature de l’Église catholique, dans toute la splendeur de sa véritable beauté. C’est une assemblée où se trouve le Vicaire du Christ, un Saint ; où se trouvent les prêtres conciliaires, des prêtres animés d’un zèle authentique pour la gloire de Dieu et qui se réunissent autour de lui dans une attitude semblable à celle des anges réunis autour de Dieu ; puis la foule des fidèles fervents, enthousiastes, dans les yeux desquels on voit l’esprit de lutte et de sacrifice des hommes qui partent en croisade ; et les familles qui soutiendront cette résolution et qui sont prêtes à subir tous les dommages que le fait que leur chef se mette en croix peut entraîner, afin que le Sépulcre soit libéré. Plein d’éloquence, près du pape, un simple frère, vêtu de la manière la plus pauvre qui soit, mais avec une éloquence enflammée : c’est Pierre l’Ermite.
Quelle belle chose ! Un ermite qui sort de son désert pour se mêler au monde et dire des choses que seules les âmes qui apprécient le silence savent dire. Ces paroles enflammées, ces paroles qui émeuvent, qui communiquent la grâce de Dieu, que les hommes qui ont horreur du silence ne savent pas dire. Il parle, puis le pape parle.
Et le pape, devant cette foule impressionnée, prononce quelques phrases qui nous ont impressionnés.
Je ne ferai pas de contraste. Je ne parlerai pas – pour ne mentionner que de cela – de la différence entre ces foules et celles-ci : les foules d’aujourd’hui et les foules d’autrefois. Les foules d’aujourd’hui qui parlent du Moyen Âge comme d’une époque d’impiété et de retard : les foules anodines de notre époque. Je ne montre pas ce contraste, ni d’autres contrastes trop amers pour être montrés.
Mais je reprends cette pensée du pape. Il dit : « Le Saint-Sépulcre est aux mains des hérétiques, des infidèles – ce ne sont même pas des hérétiques – et vous ne pouvez pas y aller pour le vénérer comme il se doit ! Vous le voyez aux mains des adversaires de l’Église ». Et il demande : « Quel visage peut conserver, face à ce qui se passe ici, sa sérénité en pensant à cela ? »
Combien de visages sereins rencontrons-nous dans la rue… Pourtant, il se passe aujourd’hui des choses incomparablement pires que le Saint-Sépulcre dominé par les infidèles. Pour ne parler que de ce qui peut être dit, et pour ne pas parler de ce qui ne peut être dit – et qui est incomparablement plus amer –, pensons seulement aux nations communistes opprimées par une tyrannie athée. N’est-ce pas bien pire que le Sépulcre du Christ dominé par les infidèles ? Il n’y a pas de comparaison possible. Et pourtant, combien de visages tranquilles ! Des visages qui devraient être près du temple, près de l’autel, en ce temps-ci, en train de pleurer. Comme ils sont joyeux !
Nous-mêmes. Comment sont nos visages ? Et combien de fois nos visages se contractent-ils par souci de nos intérêts, et combien de fois se contractent-ils par zèle pour la Sainte Église catholique ?
Ces hommes n’ont pas conservé un visage serein. Mais ils étaient de véritables disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ils avaient la véritable Église catholique vivante dans leurs âmes. Ils étaient présidés par un saint. Face à un mal moindre que celui que nous subissons avec tant de nonchalance, avec tant d’indifférence, face à ce mal, ils se sont mobilisés comme un seul homme et ont placé la Croix sur le bout de leurs épées, sur leurs étendards, sur leurs boucliers, sur leur poitrine ; et cette immense avalanche s’est mise en mouvement pour reprendre le Sépulcre de Notre Seigneur Jésus-Christ.
De nos jours, si peu de choses comme cela ! Cependant, le Pape fait ici une affirmation qui doit nous enthousiasmer et nous enflammer. Il dit que l’unanimité avec laquelle la foule a décidé de prendre la Croix prouvait que c’était le Saint-Esprit qui parlait ; et cela indiquait bien que les grands mouvements de l’âme de la chrétienté ne se font pas sans de grandes motions du Divin Saint-Esprit.
Nous pouvons demander, nous devons espérer qu’in extremis, un souffle du Saint-Esprit parcourt la Terre et que nombreux soient les hommes qui se réveillent de leur léthargie et soient capables de lutter contre l’ennemi qui est prêt à porter le coup fatal.
Et notre mission est précisément d’être le point de « détonation », l’étincelle de cette grande « explosion ». Nous devons dire les mots, nous devons faire les gestes, nous devons brandir l’étendard qui produira cet effet dans une heure d’affliction, peut-être pour beaucoup, dans une heure de désespoir qui approche.
Alors, nous devons demander cela à Notre Dame :
« Ma Mère, regarde l’état de mon âme. Et pour cela, ma Mère, aie pitié de moi et fais que ton Cœur Immaculé, ton Cœur Sapientiel, soit comme transplanté dans mon cœur pécheur ; que mon cœur tiède, faible – Tu dirais encore beaucoup de choses à son sujet, que je ne sais pas, que je ne veux pas voir – que mon cœur ne soit plus qu’un prolongement du tien; et qu’on puisse dire que ce n’est plus mon cœur qui bat, mais le Cœur Immaculé de Marie qui bat en moi.
« Que je ne désire rien d’autre que vouloir ce que tu veux, penser ce que tu penses, me donner à toi d’une manière superlative et complète, afin que les vertus qui découlent de toi et qui ne se trouvent en aucune manière dans ma misère et mon manque de correspondance à la grâce, que ces vertus qui découlent de toi, animent mon âme et me poussent vers les choses que je ne suis pas capable de faire. Afin que cela n’arrive pas, ma Mère, ce malheur, qui serait le malheur des malheurs : que je ne sois pas prêt le jour de la pleine réalisation de tes promesses à Fatima. Et le moyen pour que ce malheur n’arrive pas, c’est de te demander précisément de faire de moi un prolongement de ta personne, de me communiquer tes vertus et de préparer mon âme. Moi, comme le paralytique au bord de la piscine de Siloé, j’ai besoin que quelqu’un me porte et me jette dans les eaux de ta miséricorde pour y parvenir. Je vous en supplie : ordonnes à mon ange gardien de le faire ; qu’au moment opportun, il me parle et fasse de moi un véritable apôtre des derniers temps, au sens plein et authentique du terme, tel que le décrit saint Louis Grignion de Montfort dans sa Prière enflammée ».
Et notre prière se terminerait ainsi : « Cœur Immaculé de Marie, qui êtes un brasier ardent de charité à l’exemple du Sacré-Cœur de votre Divin Fils, communiquez-moi toutes les flammes de votre zèle afin que vous, dont la prière a obtenu que l’eau, insipide, froide et banale, se transforme en un vin savoureux, généreux et fort, faites de moi, pécheur, un apôtre des derniers temps ».
C’est ce que nous devons demander à Notre Dame dans la gravité des heures et des jours qui approchent.
(*) Note : On ne connaît pas le discours exact d’Urbain II car il n’a pas été retranscrit. Mais du fait de sa portée dans l’Histoire, il existe de nombreux témoignages. Entre autres, quatre témoins directs du discours racontèrent l’événement a posteriori, au début du XIIe siècle. Les quatre clercs en question (Geoffroi de Vendôme, Baudri de Bourgueil, Robert le Moine, et Foucher de Chartres) nous permettent de connaître les principales dimensions du discours. Il existe aussi une foule de témoignages indirects, où les écrivains, tel Guibert de Nogent, retranscrivent ce qu’ils avaient entendu dire.

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