« Mensageiro do Carmelo » (Messager du Carmel), São Paulo, année XLVII – Édition spéciale – 1959
Par Plinio Corrêa de Oliveira
Conférence donnée à São Paulo, le 15 novembre 1958, lors du Congrès de l’Ordre Tertiaire du Carmel
I – L’essence de notre lien avec Notre-Dame
Il m’a été donné de discourir sur le thème suivant lors de ce brillant congrès : « Le scapulaire et la profession de l’Ordre Tertiaire du Carmel constituent un acte de consécration principale à Notre-Dame. Il est indispensable que cette vérité soit propagée avec un grand zèle pour une connaissance plus profonde et plus parfaite de la spiritualité carmélite ».
L’énoncé de cette thèse manifeste le louable but d’éviter que, en matière de Tiers Ordre du Carmel, nous nous en tenions uniquement à des aspects extérieurs. En effet, le scapulaire est un objet tangible qui symbolise de manière très sensible notre lien avec Notre Dame. Mais précisément parce que ce symbole présente ces qualités, certains esprits peuvent facilement tomber dans l’idée que sa simple possession, son simple usage suffisent à nous maintenir liés à Notre Dame.
De même, la profession dans le Tiers Ordre du Carmel, habituellement faite de manière si solennelle et festive, parle beaucoup aux sens et à l’imagination. C’est pourquoi certaines personnes peuvent facilement se faire l’idée que le simple fait de la profession établit entre nous et Notre Dame un lien si profond qu’il suffit à lui seul, pour toujours et à jamais, sans autres devoirs, pour nous maintenir unis à Notre Dame comme de parfaits Tertiaires.
Telle est la condition de l’homme sur cette terre que même les meilleures choses, et les plus louables, sont susceptibles d’abus, non pas parce qu’il y a en elles quelque chose de mauvais, mais parce que le mal est dans l’homme dont la nature est tombée avec le péché originel. On peut donc dire que ces extériorités si utiles, si opportunes, si sages, si nécessaires à la nature de l’homme peuvent néanmoins être utilisées à mauvais escient, de sorte que tout ce que le symbole signifie est oublié et que seule la réalité matérielle du symbole subsiste, comme élément manifestement insuffisant pour atteindre les fins que l’institution du symbole avait en vue. En effet, il faut bien comprendre que la possession ou l’usage du scapulaire, et le simple fait de professer l’appartenance à l’Ordre du Carmel, ne constituent pas l’essence même de notre lien avec Notre-Dame, et ne seraient rien sans notre consécration spéciale et intérieure à la Vierge du Carmel. C’est là l’élément fondamental de notre condition de tertiaires carmélitains. Et le port du scapulaire, ainsi que la profession dans le Tiers Ordre, ne sont qu’un objet matériel et un acte juridique – tous deux d’une grande signification et d’une grande importance, d’ailleurs – qui expriment cette consécration.
L’essentiel est donc que le tiers soit consacré à Notre-Dame, dans une consécration qui, faite lors de l’acte officiel de profession, se conserve et s’intensifie tout au long de la vie. Le tertiaire doit donc comprendre que c’est dans ce fait intérieur, qui se développe en dernière analyse dans le domaine mystérieux de la relation des âmes avec Dieu, insondable à tout regard humain et placé directement sous les yeux de Dieu lui-même, que réside le lien qui nous unit à Notre-Dame du Carmel et fait de nous, au sens plein du terme, de véritables carmélites.
Ainsi, quelle que soit, et elle doit être grande, notre estime pour le scapulaire et pour notre profession dans le Tiers-Ordre, il est de la plus haute importance que nous considérions notre consécration intérieure comme l’élément capital de notre vie carmélite. C’est ce qu’affirme la thèse que nous avons été chargés de développer ce soir. Elle affirme une vérité qui doit être propagée avec beaucoup de zèle, car cela évite que de nombreux Tertiaires mènent une vie carmélite complètement éloignée de son esprit, de son sens le plus vrai et le plus profond.
II – La consécration à Notre-Dame et la vie au siècle
Si ces vérités sont très faciles à énoncer et se prouvent d’elles-mêmes, il est cependant plus difficile de préciser en quoi consiste la véritable consécration à Notre-Dame et, surtout, comment cette consécration doit s’effectuer à notre siècle.
Le Très Révérend Père Provincial, Frère Bonifácio Harink, dans l’une des allocutions de ce congrès, a bien souligné que le tertiaire carmélite vit dans le siècle. Et le Très Révérend Père Kiliano Lynch, Général de notre Ordre, dans la splendide lettre qui est distribuée ici et que Sa Paternité a adressée aux participants de ce congrès, a souligné que la caractéristique de l’apostolat des laïcs, et donc aussi des Tertiaires Carmélites, consiste à se développer dans le siècle, à agir au sein de la société civile, pour promouvoir le salut des âmes par tous les moyens licites, y compris par l’imprégnation de l’esprit de l’Église dans toutes les valeurs propres à la sphère temporelle. Il ne s’agit donc pas pour nous d’éviter les choses du siècle en tant que telles, il ne s’agit pas pour nous de fuir vers une Thébaïde ou vers le sanctuaire d’un ordre strictement contemplatif, ni même de vivre la vie conventuelle dans un ordre consacré à l’apostolat extérieur. Il s’agit pour nous d’être dans le siècle et d’ordonner à Dieu les valeurs du siècle qui ont été créées pour Lui et dont on doit exiger qu’elles Lui rendent gloire. Il s’agit de communiquer à ces valeurs leur véritable caractère chrétien.
Dans ces conditions, il faut avoir une idée exacte de la manière dont la consécration à Notre-Dame se réalise dans le siècle. Mais parler du siècle, en théorie, c’est peu dire : il faut prendre en considération la façon dont la société temporelle vit de nos jours et les particularités de l’époque dans laquelle nous vivons.
Ce faisant, nous devons garder à l’esprit les éléments positifs bien connus, mais nous ne devons pas oublier les éléments négatifs.
Qui est le prince de ce monde ? Quel est l’ennemi que nous ne devons pas servir ? Quel est cet autre « seigneur » qui nous demande également de nous consacrer à lui, et qui est inconciliable avec la Dame sublime que nous avons juré de servir dans l’Ordre Tertiaire du Carmel ? Sans refuser à ce « seigneur » toute forme de service et de vassalité, sans le combattre toujours et partout, notre consécration à Notre Dame ne sera pas vraiment complète. Et ainsi, nous passons des propos génériques de notre thèse au point flagrant de notre consécration telle qu’elle doit être réalisée dans notre vie d’enfants de l’Église militante au XXe siècle.
Cela nous amène à nous demander en quoi consiste la consécration à Notre Dame de nos personnes et des valeurs authentiques de la société temporelle, selon les propos de la splendide lettre que nous a adressée si paternellement le Révérend Frère Kiliano Lynch. La notion courante à cet égard, entièrement vraie et immensément précieuse, part de la considération de Dieu comme :
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a) cause finale de l’univers
Dieu étant la fin de toutes choses, il est normal que toutes soient ordonnées vers Lui, ce qui se fait par l’ordination de tous à l’accomplissement de la Loi, au salut des âmes et à l’exaltation de l’Église sur terre.
Ces principes sont si vrais, si clairs et si connus des membres du Congrès que je ne m’attarderai pas à les exposer plus longuement. Mais à côté d’eux, il y a un aspect qui correspond à plusieurs préoccupations de la philosophie contemporaine et qui est resté plus ou moins enfoui dans le trésor de la doctrine catholique, répandue parmi les grandes masses des fidèles. Il me semble opportun de m’y retenir davantage.
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b) Dieu comme cause exemplaire de l’univers
Dieu a créé l’univers, puis il a donné à l’homme la faculté de compléter divers aspects de l’ordre et de la beauté universels par son action, de sorte que, selon Dante, toutes choses sont filles de Dieu et les œuvres de l’ingéniosité humaine doivent être considérées comme les petites-filles de Dieu. Ainsi, Dieu, en créant l’univers, avait en vue un admirable plan d’harmonie et de beauté, mais il a laissé la réalisation d’une partie de ce plan à la lumière, à l’arbitraire et à l’ingéniosité de l’homme.
Pourquoi tout ce plan ? Pourquoi tout cet univers d’ordre et de beauté institué par Dieu ?
J’insiste sur l’idée d’un univers de beauté, car de nos jours, on considère généralement l’univers comme une grande machine fonctionnant parfaitement. Ainsi, lorsqu’on parle de la sagesse du Créateur, on montre presque toujours comment les choses sont liées entre elles de telle manière qu’elles ne se détruisent pas, ne se heurtent pas les unes aux autres, mais coexistent en harmonie et se soutiennent mutuellement. C’est une vision fonctionnelle de l’univers tout à fait vraie, certes, mais qui ne montre qu’un aspect que notre époque mécaniste et ultra-technique comprend plus facilement.
Mais il existe un autre aspect de l’univers lié à Dieu en tant que cause exemplaire, en tant qu’Être incréé et infiniment beau qui se reflète de mille façons dans tous les autres êtres qu’Il a créés. De telle sorte qu’il n’existe aucun être qui, à un titre ou à un autre, ne soit le reflet de la beauté incréée de Dieu. Mais surtout, la beauté de Dieu se révèle dans l’ensemble hiérarchique et harmonieux de tous ces êtres, de telle sorte qu’il n’y a, en un certain sens, pas de meilleur moyen de connaître la beauté infinie et incréée de Dieu que d’analyser la beauté finie et créée de l’univers considéré, non pas tant dans chaque être, mais dans l’ensemble de tous.
Dieu se reflète également dans une œuvre plus élevée et plus parfaite que le Cosmos. Il s’agit du Corps mystique du Christ, la société surnaturelle que nous vénérons sous le nom de Sainte Église catholique, apostolique et romaine. Elle constitue en elle-même tout un univers d’aspects harmonieux et variés, qui chantent et reflètent, chacun à sa manière, la beauté sainte et ineffable de Dieu et du Verbe incarné.
En contemplant, d’un côté, l’univers et, de l’autre, la Sainte Église catholique, nous pouvons nous élever à la contemplation de la beauté sainte, infinie et incréée de Dieu.
Il existe un ensemble de règles esthétiques qui peuvent nous faciliter la connaissance de la beauté que Dieu a mise dans l’univers, comme point de départ pour nous élever à la contemplation de sa beauté incréée.
La plus fondamentale de ces règles est la COEXISTENCE HARMONIEUSE DE L’UNITÉ ET DE LA VARIÉTÉ. Cependant, plutôt que de nous en tenir à une énumération et à une définition froide de ces principes, il serait peut-être plus intéressant de les considérer tels qu’ils se réalisent dans certains des êtres qui s’offrent le plus facilement à nos yeux.
Commençons par la mer. L’un des premiers éléments de sa grandeur est précisément son unité. Toutes les mers de la Terre communiquent entre elles et constituent une immense masse d’eau qui entoure le globe terrestre. Ainsi, où que nous nous trouvions dans le monde, l’une des considérations les plus agréables que nous puissions faire est de nous rappeler que l’immense masse liquide qui s’étend devant nous, jusqu’aux confins de l’horizon, ne s’arrête pas là, mais qu’elle a derrière elle des immensités qui se succèdent pour former la grande et unique immensité de la mer qui bouge, qui joue et qui s’amuse sur toute la surface de la terre.
Mais en même temps que la mer nous présente cette splendide unité, elle impressionne par la grande variété que l’on peut y observer.
VARIÉTÉ, EN PREMIER LIEU, EN CE QUI CONCERNE LE MOUVEMENT. Tantôt la mer nous apparaît douce et sereine, semblant satisfaire tous les désirs de paix, de tranquillité et de calme de notre âme. Tantôt elle se meut discrètement et doucement, formant à sa surface de petites vagues qui semblent jouer devant nous, pour faire sourire et détendre notre esprit comme s’il avait devant lui les réalités agréables et plaisantes de la vie. Et enfin, elle se montre majestueuse et sauvage, s’élevant dans des mouvements sublimes, se jetant furieusement contre des rochers escarpés et déplaçant de ses abîmes des masses d’eau insondables pour submerger des îles et envahir des continents. Dans cet état, la mer semble dominée par une fureur dévastatrice qui chante avec ses rugissements et sa grandeur toute la puissance qui existe au plus profond d’elle-même et dont on ne soupçonnait rien dans ses moments de douceur et de grâce. Nous avons l’impression d’assister aux moments les plus passionnants et les plus héroïques de l’Histoire.
Il existe également des VARIÉTÉS ESTHÉTIQUES DE LA MER
Parfois, elle est si claire à travers une grande masse liquide jusqu’au fond de ses eaux. D’autres fois, elle se montre sombre, impénétrable, profonde, mystérieuse. Si, dans certains panoramas, la mer se présente sous des surfaces immenses et presque illimitées, dans d’autres, elle est circonscrite par les accidents du littoral et forme de petits golfes fermés où, pour ainsi dire, elle se complaît à être en intimité avec nous, se faisant petite pour mieux se laisser voir et aimer.
La mer, par ses bruits, n’est pas moins variée. Tantôt son murmure donne l’impression d’une caresse qui berce et endort, tantôt elle n’est qu’un fond sonore qui ressemble à la prose d’un vieil ami que l’on a souvent entendu. Mais peu après, elle nous parle comme le rugissement dominateur d’un roi qui veut imposer sa volonté à tous les éléments.
La manière dont elle « se comporte » sur la plage est tout aussi variée. Parfois, la mer arrive sur la terre rapide et haletante, d’autres fois elle s’y dirige lentement et paresseusement, en vagues qui se déplacent avec nonchalance. Et d’autres fois enfin, elle semble si complètement immobile qu’on dirait presque qu’elle se contente de regarder la terre sans la toucher.
Or, toutes ces diversités de la mer n’auraient pour nous ni concaténation ni charme si elles ne se présentaient pas sur le grand fond d’une unité fixe, invariable et grandiose. Telle est la beauté de l’unité dans la diversité de la mer.
Nous devons toutefois reconnaître que la diversité de la mer est un élément de beauté si puissant parce qu’il ne s’agit pas d’une diversité quelconque, mais qu’elle offre à un haut degré les CARACTÉRISTIQUES SPÉCIFIQUES DE LA VRAIE DIVERSITÉ HARMONIEUSE.
Ces caractéristiques sont les suivantes :
1) Cette variété va jusqu’à l’opposition, c’est-à-dire qu’elle est si grande que ses points extrêmes atteignent des aspects opposés et comme contradictoires entre eux. Cette variété, du fait même qu’elle réunit dans une seule gamme des extrêmes si prononcés, possède une harmonie suprême, une beauté incontestable. Nous ne trouverions pas autant de beauté dans la mer si elle ne savait pas être, par exemple, si extrêmement douce et si extrêmement furieuse, si extrêmement majestueuse et si extrêmement gracieuse. C’est dans l’harmonisation de l’extrême douceur et de l’extrême fureur, par exemple, que l’on constate la perfection de la variété de la mer.
Cette variété d’opposition doit comporter une certaine symétrie, c’est-à-dire qu’il faut que lorsqu’une chose a un caractère et le pousse à l’extrême, le côté opposé atteigne un extrême tout aussi prononcé. Si la mer était extrêmement furieuse dans certains mouvements et seulement un peu calme dans d’autres, sa beauté ne serait pas grande. Pour que l’opposition soit parfaite, il faut que la mer puisse être aussi grande et furieuse à certains moments qu’elle est profondément calme à d’autres. Et ce n’est qu’avec cette symétrie qu’elle est entièrement belle.
Mais, en même temps, LES VARIÉTÉS HARMONIQUES DES GAMMES INTERMÉDIAIRES contribuent également de manière remarquable à la beauté de la mer. Ces situations de transition sont si harmonieuses qu’à certains moments, nous ne pouvons même pas dire exactement comment nous percevons la mer. Est-elle agitée ? Est-elle calme ? Est-elle claire ? Est-elle sombre ? Nous ne pouvons pas le dire, car la mer passe d’un extrême à l’autre en passant par plusieurs phases intermédiaires si splendidement nuancées et harmonieuses que le langage humain ne suffit pas à les décrire, et que le seul moyen d’y parvenir est la comparaison. Par exemple, celui qui a vu la mer déchaînée et qui la voit s’apaiser peut dire qu’elle est calme, mais lorsqu’il se souvient de la mer véritablement calme et qu’il la considère dans ce moment de transition, il a encore l’impression d’une mer déchaînée. Cette sorte de contradiction entre des aspects opposés existant dans le même milieu permet de bien se faire une idée de la riche gamme d’états intermédiaires que traverse la mer.
Mais la relation entre ces états intermédiaires doit présenter une véritable continuité. D’un extrême à l’autre, la mer ne bondit pas, mais passe toujours avec une rapidité plus ou moins grande par tous les états intermédiaires. Ces états sont habituellement perceptibles dans leur succession, comme des nuances qui se remplacent les unes les autres. Mais lorsque la succession des nuances est très parfaite, elle donne parfois l’impression de ne pas changer. Mais au bout d’un certain temps et sans savoir comment, l’observateur se trouve devant un tableau différent. C’est que ces changements ont été si délicats et si imperceptibles qu’ils ont dépassé la précision de nos sens ou du moins l’acuité de notre attention.
Il existe d’autre part une forme de variété qui n’est pas aussi nette dans la mer, mais qui est très importante dans le ciel : LA VARIÉTÉ DU PROGRÈS.
Il existe dans le firmament une variété d’aspects qui s’étendent de l’aube à la nuit tombée, de telle sorte qu’ils offrent un tableau charmant, printanier, matinal à l’aube, puis gagnant en couleur, en force et en majesté jusqu’à atteindre la glorieuse plénitude de midi. Ensuite, il s’estompe lentement jusqu’à atteindre la tristesse du crépuscule et prend finalement son aspect nocturne. Celui-ci reste plus ou moins continu et immobile jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Il y a ainsi, tout au long de la journée, une succession harmonieuse d’apparences qui vont du commencement à l’apogée, puis de l’apogée au déclin, dans un processus de progrès et de recul, un cycle d’aspects variés que le ciel parcourt.
Un autre principe de variété, qui confère au ciel une beauté particulière, est le PRINCIPE DIT MONARCHIQUE : l’ordonnancement des multiples formes et variétés autour d’un élément ou d’un point central en fonction duquel elles s’harmonisent et s’expliquent réciproquement. C’est le rôle du soleil dans le firmament. Grâce à lui, dans le ciel, toutes les variétés ne sont que des fonds de tableau qui coopèrent pour mettre en valeur de mille façons toute leur beauté.
Nous avons ainsi les différents principes de la beauté réalisés dans la mer et dans le ciel, c’est-à-dire dans deux créatures qui sont constamment sous nos yeux et qui sont de splendides similitudes de la beauté incréée et spirituelle de Dieu, Notre Seigneur.
Mais nous savons par la doctrine catholique que si la beauté de toutes ces choses est l’image de Dieu, Esprit pur et infiniment parfait, de même, puisque l’homme a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, elles sont aussi des images de l’homme, et que le ciel et la mer, dans leurs divers états, rappellent l’âme humaine, dans ses diverses dispositions, le jeu complexe des passions humaines, les vertus de l’âme humaine lorsqu’elle reflète réellement la sainteté de Dieu, Notre Seigneur.
Ainsi, ces règles esthétiques sont pour nous des moyens de considérer la véritable beauté de la sainteté chez l’homme. Chez l’homme, oui, et donc dans la plus haute de toutes les créatures, en Notre Dame, qui, avec tant et si bien, a été et doit être comparée tant au ciel qu’à la mer. Âme d’une immensité ineffable, âme dans laquelle toutes les formes de vertu et de beauté existent avec une perfection si éminente qu’aucun de nous ne peut en avoir une idée exacte, Notre Dame est bien cette mer, ce ciel de vertus devant lequel l’homme doit rester stupéfait et ravi et qu’il doit chercher à aimer et à imiter de toutes ses forces.
En Notre Dame, on trouve également la même unité dans la variété des dons de Dieu. Cela se remarque bien dans le fait qu’étant une, Elle se présente à nous dans l’admirable variété de ses invocations. Elle est Notre Dame de la Paix. Elle est Notre Dame des Douleurs, Elle est Notre Dame de la Bonne Mort. En elle, tous les contrastes s’harmonisent. Elle est à la fois « Secours des chrétiens », mais « Refuge des pécheurs », Elle est glorifiée pour son humilité incomparable, mais tous les voyants qui ont eu la chance de la contempler dans ses apparitions commentent sa souveraine majesté. Elle est Notre Dame qui se présente à nous « Ut Castrorum Acies Ordinata » [rangée comme une armée], mais en même temps Elle est « Mater Clementiae et Misericordiae ».
Nous pourrions faire une étude de Notre Dame à l’aide des mêmes principes que ceux que nous appliquons à l’analyse du ciel et de la mer. Qui, par exemple, peut mieux voir, dans une parfaite harmonie, des contrastes apparemment irréconciliables, que la Vierge Mère appelée la Vierge des Vierges, qui pourrait très licitement et valablement être appelée aussi la Mère des Mères. Personne n’est plus pleinement mère, Mère par excellence, qu’Elle.
Personne n’est plus pleinement vierge, Vierge par excellence, qu’Elle également.
III – LA CONSÉCRATION À NOTRE-DAME, CHEF-D’ŒUVRE DE LA CRÉATION
Or, la consécration à Notre-Dame consiste pour l’homme à se donner à Elle. Et, puisqu’il peut réaliser en lui-même d’une certaine manière les vertus qui resplendissent en Elle, se donner à la Mère de Dieu, c’est pour l’homme chercher à L’imiter et aussi à La servir. La connaissance de Notre-Dame, l’admiration pour Notre-Dame, l’imitation et le service de Notre-Dame sont les éléments constitutifs de cette consécration complète à Notre-Dame que nous voulons vraiment réaliser.
Mais cela nous amène à une question : Quelle est l’influence exercée par les conditions particulières de la vie dans le siècle sur la manière dont nous vivons notre consécration ?
La vie dans le monde doit être telle que les mêmes principes de beauté universelle qui se traduisent en dernière analyse par des principes de moralité et de sainteté universelle se reflètent non seulement dans les âmes, mais aussi dans tout ce qui entoure l’homme. Par une mystérieuse affinité, les formes, les sons, les couleurs, les parfums peuvent exprimer les états d’âme de l’homme. Il est donc nécessaire qu’ils reflètent des états d’esprit vertueux pour former des ambiances dans lesquelles l’homme trouve les ressources nécessaires à sa sanctification, des images de Dieu qui lui donnent l’attrait de la vertu et l’incitent ainsi à connaître et à désirer cette beauté incréée de Dieu qu’il ne verra face à face que dans la gloire des cieux.
Organiser un ordre temporel qui forme ainsi les âmes et les invite au Ciel, voilà une haute mission des laïcs vivant dans le siècle. Il est clair qu’un tel ordre temporel serait en profonde harmonie avec la Révélation, les enseignements et les lois de l’Église, ainsi qu’avec les préceptes de la vraie science. Il serait donc le Règne de Jésus-Christ, le Règne de Marie sur la terre.
À ce stade, nous pouvons nous demander : alors, en notre siècle, en quoi consiste le service de Notre-Dame ? Il consiste à sauver les âmes, par tous les moyens licites, parmi lesquels nous voulons souligner celui-ci : prendre toutes choses, les ordonner dans cet esprit et construire la culture et la civilisation chrétiennes. Car l’une et l’autre, sous un certain aspect, ne sont que la disposition des choses de manière qu’elles soient dans cette vie le reflet de Dieu et orientent les âmes vers la vie éternelle. Être consacré à Notre Dame et la servir, c’est soutenir, promouvoir et défendre contre ses adversaires la culture et la civilisation comparables à cette perle précieuse que l’homme doit chercher en vendant tout ce qu’il possède : la culture et la civilisation qui sont cette paix sur la terre promise aux hommes de bonne volonté par les anges de Bethléem, la seule paix du Christ dans le règne de Marie.
Ainsi, tout véritable tertiaire carmélite qui comprend ce qu’est sa consécration n’est pas seulement un homme profondément intérieur, mais un soldat né de la culture et de la civilisation chrétiennes.
IV – PROBLÈMES PARTICULIERS À L’ACTION DE L’ÂME CONSACRÉE AU XXe SIÈCLE
Pour bien comprendre comment servir Notre Dame dans notre siècle, il faut bien tenir compte des circonstances qui lui sont propres.
Nous vivons aujourd’hui un processus révolutionnaire qui, ayant commencé avec le protestantisme et l’humanisme au XVIe siècle, a atteint un triomphe universel avec la Révolution française au XVIIIe siècle et l’extension de ses principes dans le monde entier au XIXe siècle. Ce processus atteint aujourd’hui son paroxysme dans l’affirmation du communisme. Nous sommes donc au sommet d’une longue série d’apostasies. C’est là le trait dominant des événements de notre temps et des circonstances dans lesquelles l’Église agit, vit et lutte actuellement.
À d’autres époques, l’Église a également eu des adversaires à affronter. Jamais, peut-être – et les citations pontificales sont si nombreuses que je me dispense de les rappeler ici – elle n’a dû faire face à une attaque aussi profonde, qui l’attaque avec une telle fureur sur tous les points de sa doctrine, de ses coutumes, de ses institutions et de ses lois.
Jamais ses ennemis n’ont fait preuve d’une telle cohérence, d’une telle unité d’objectifs et d’une telle rancœur qu’aujourd’hui. Ainsi, quel que soit l’angle sous lequel nous considérons le panorama actuel, nous devons placer au centre de toute notre perspective ce phénomène : l’attaque multiséculaire des forces du mal qui atteint aujourd’hui son paroxysme.
Nous vivons, comme nous l’avons affirmé tout à l’heure, au sein d’un processus révolutionnaire qui mine et ronge une réalité glorieuse, à savoir la civilisation chrétienne. Nous avons donc un ennemi à combattre et un patrimoine à défendre. Ce patrimoine, c’est l’immense et précieux trésor de traditions de ces vingt siècles de civilisation chrétienne qui nous ont précédés.
Ce patrimoine ne doit pas être considéré comme une valeur statique, mais au contraire comme une valeur à laquelle chaque siècle a apporté sa contribution. Nous aussi, par notre fidélité et par notre vie, nous avons enrichi ce glorieux héritage. Face à nous se trouve cette Révolution qui est précisément le contraire de tout ce que nous aimons. Nous devons l’attaquer sous toutes ses formes.
C’est ainsi que s’explique l’un des aspects essentiels de notre apostolat, vraiment adapté à notre époque.
Cet aspect mérite une explication appropriée, afin que nous comprenions bien ce qu’est « concrètement » et dans toute sa plénitude la persévérance dans la consécration à Notre-Dame, à notre époque. En effet, on dit souvent que le catholique doit être un homme de son temps, qu’il doit être ouvert à tous les progrès, qu’il doit être un homme qui s’adapte autant que possible aux circonstances de l’époque dans laquelle il vit. Personne ne pourrait dire que ces expressions sont fausses en elles-mêmes. Mais nous devons savoir distinguer une acceptation intelligente et pleine de discernement des conditions de l’époque, d’une acceptation simpliste, irréfléchie, faible, tiède, qui englobe non seulement ce que les conditions de l’époque ont de bon, mais aussi ce que l’esprit de la Révolution a instillé de manière voilée même dans beaucoup des bonnes conditions de notre époque. Il y a donc « acceptation » et « être homme de son temps ». Et c’est précisément la ligne de démarcation entre l’une et l’autre que nous devons tracer avec le plus grand soin.
En quoi un catholique peut-il et doit-il être un homme de son temps ? Chaque époque se distingue généralement de la précédente par certains défauts qui frappent l’attention et que l’on souhaite corriger. Mais en même temps, il arrive souvent qu’une époque dissente d’une autre parce qu’elle désapprouve également certaines de ses qualités. En ce qui concerne le passé proche dont nous sommes issus, nous ne voulons pas, nous ne devons pas et nous ne pouvons pas tout accepter, mais nous devons rejeter certains éléments avec prudence. L’époque passée appréciait, par exemple, l’éloquence fleurie, bruyante, verbeuse et torrentielle, qui s’exprimait en toutes occasions. Un anniversaire, une remise de diplôme, un mariage, le retour d’un long voyage, tout était occasion de discours. Et ces discours étaient tellement standardisés qu’il existait déjà des manuels contenant des discours pour toutes les occasions, destinés par exemple aux jeunes diplômés en droit. Ces discours pouvaient être répétés, par exemple, dans tout le Brésil, de l’Amazonas au Rio Grande do Sul, au Portugal et dans les colonies.
Évidemment, pour nous qui pensons que le type d’homme romantique qui nous a précédés était peu efficace, avait l’esprit peuplé de rêves vains et une imagination débordante, qu’il ne se distinguait ni par la rigueur de sa logique, ni par le désir de traduire en faits concrets ce dont il rêvait, toute cette abondance de discours nous semble superflue. Les quelques discours qui se font aujourd’hui doivent être rapides, dans un langage moins conventionnel, moins guindé, dans une langue vivante et non dans une langue morte. Pour nous, toutes les fleurs de cette rhétorique sont déjà fanées par l’usage et doivent donc être reléguées au musée. Aucun de nous ne s’extasierait, comme un vieil ami à moi, en écoutant un discours de Ruy Barbosa à bord d’un navire et en me racontant que pour dire la même chose, l’expansif tribun savait employer quatorze synonymes. Quant à nous, nous penserions aux quatorze minutes perdues et nous nous ennuierions de cette prolixité superflue.
Selon les canons du romantisme passé, par exemple, le goût de la tristesse était un attribut essentiel de l’esprit. Un jeune homme à la mode devait être malade et malheureux, il devait exprimer son malheur et sa maladie à la guitare, il devait échanger la nuit contre le jour, il devait être l’un de ces rêveurs de bruine et d’orgies si typiques de l’ancienne Faculté de Droit [du Largo São Francisco, à São Paulo, n.d.t.]. Aujourd’hui, tout cela nous semble faux. Sans parler de l’orgie, il nous semble que cette glorification de la mélancolie, cet amour de la maladie, cette manie de se sentir triste, sont contre nature et ridicules.
De cette idée, nous pourrions facilement passer à une autre. L’incompréhension des hommes, par exemple, il y a 120 ou 130 ans, et plus récemment au Brésil, des hommes jusqu’à la fin du siècle dernier, envers la mer.
Qui, ayant les moyens de construire un palais de la taille du Catete [à Rio de Janeiro], aurait fait comme son propriétaire, qui l’a construit avec les fonds pour la mer et la façade vers la ville, dans un détachement évident de la beauté du panorama de Flamengo ? On raconte que ce monsieur voulait en même temps construire aux autres angles de la place du palais trois autres demeures identiques pour ses fils, de sorte que la mer était complètement exclue de cette conception architecturale et urbanistique. Qui d’entre nous peut penser qu’il faille revenir à ce concept ? Le palais d’Itamarati, que les diplomates étrangers visitent encore aujourd’hui avec ravissement, qui d’entre nous, s’il le construisait aujourd’hui, le placerait au fond de Rio de Janeiro au lieu de le situer sur une île magnifique, ou au moins dans un endroit pittoresque du littoral ?
Aucune époque du passé ne peut ni ne doit être laissée intacte. Il est toujours possible, par un mouvement véritablement progressiste, d’abolir les défauts et d’améliorer les qualités. Mais cela ne suffit pas, il faut aussi nous rappeler que bon nombre des transformations instituées dans le présent ne représentent pas un travail intelligent visant à purifier et à faire progresser les traditions que nous avons reçues, mais constituent au contraire un effort de destruction manifeste ou de falsification subreptice des valeurs de la civilisation chrétienne.
Dans une lettre adressée à Son Éminence le cardinal archevêque Dom Carlos Carmelo de Vasconcelos Mota par Mgr Ângelo Dell’Acqua, alors substitut du Secrétariat d’État de la Sainte Église, s’exprimant en vertu de ses fonctions, nous pouvons lire que « le monde contemporain, sous l’effet du laïcisme, a presque complètement perdu le sens chrétien de la vie ». J’attire l’attention sur ces derniers mots. Or, nous savons qu’un homme ne reste pas sans sens. S’il perd le sens chrétien, il le remplace par l’esprit antichrétien. Par conséquent, presque tous ceux qui existent aujourd’hui sont marqués, dans une plus ou moins grande mesure, par le sens antichrétien de la vie.
Nous sommes malheureusement les enfants de notre temps et nous sommes tous exposés au risque de porter en nous, sans le soupçonner, une grande partie de cette infiltration de l’esprit anti-chrétien.
Combien sont fréquentes autour de nous les personnes qui se croient de véritables catholiques parce qu’elles reçoivent de temps en temps les sacrements et pratiquent quelques actes de piété. Cependant, leur façon de penser, de sentir et d’agir est marquée par un esprit opposé à celui de l’Église. Même parmi les personnes pieuses, on observe le même phénomène, bien qu’à une moindre échelle.
Dans ces conditions, nous avons raison de ressentir une véritable méfiance, même envers nous-mêmes. Et nous devons nous consacrer avec une grande diligence et une grande crainte à la tâche de distinguer, dans notre époque, ce qui est bon et ce qui est mauvais. Nous y oblige la sainte crainte de renoncer à quelque chose de ce dépôt de traditions catholiques que nous avons reçu de nos aînés et que nous devons transmettre non seulement intact à nos descendants, mais encore enrichi.
Il est bon de corriger judicieusement le passé. Mais le modifier sans discernement, à la légère, à tout propos et parfois par simple goût du changement, voilà ce qu’il ne faut en aucun cas faire.
On ne peut imaginer rien de plus contraire à la véritable consécration à Notre-Dame que ce manque de soin dans la protection de la tradition chrétienne.
En effet, si le tertiaire Carmélitain se livre sans discernement ni réserve au siècle, il sert deux maîtres, il n’est pas un vrai carmélite, sa consécration n’est pas une consécration effective.
Ainsi, tout en rejetant formellement l’idée que nous devons conserver le passé tel quel, nous affirmons que jamais dans l’histoire de la civilisation chrétienne il n’a été aussi difficile de faire la distinction entre les valeurs véritables du passé et ce qui doit être rectifié à notre époque.
Les paroles éclairées du discours du Saint-Père Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine, le 19 janvier 1944, en donnent une bonne idée. Elles montrent clairement que tout renouvellement fait selon l’esprit de l’Église doit s’inscrire dans un sens profond de l’amour de la tradition. Le défunt Pontife dit :
« Les choses terrestres coulent comme les eaux d’un fleuve dans le lit du temps ; le passé cède nécessairement la place et la voie à l’avenir, et le présent n’est qu’un moment fugace joignant l’un avec l’autre. C’est un événement, c’est un mouvement, c’est une loi, ce n’est pas en soi un mal. Le mal serait si ce présent, qui devrait être un flot tranquille dans la continuité du courant, devenait comme une trombe marine dévastant tout sur son parcours à la façon d’un typhon ou d’un ouragan, et creusant dans sa furie destructrice et violente un abîme entre ce qui fut et ce qui devait suivre. Ces sortes de bonds désordonnés que fait l’histoire dans son cours constituent alors et marquent ce qu’on appelle une crise, c’est-à-dire un passage dangereux qui peut conduire au salut ou à une ruine irréparable, mais dont l’issue est entourée de mystère au sein du brouillard des forces opposées.
« Patriciat et noblesse, vous représentez et continuez la tradition.
« Ces paroles, on le sait bien, sont pour beaucoup d’oreilles désagréables à entendre : elles déplaisent à bon droit quand elles sont prononcées par certaines bouches ». (Et ce sont précisément les bouches, dirons-nous, de ceux qui voudraient conserver le passé dans une immobilité impossible)
« Certains les comprennent mal ; d’autres en font l’étiquette mensongère de leur égoïsme inactif. Dans un tel dissentiment dramatique et équivoque, nombre de voix envieuses, souvent hostiles et de mauvaise foi, plus souvent encore ignorantes ou trompées, vous interrogent et vous demandent cavalièrement : « A quoi servez-vous ? » Pour leur répondre, il faut d’abord s’entendre sur le sens véritable et sur la valeur de cette tradition dont vous voulez être principalement les représentants.
« Beaucoup d’esprits, même sincères, s’imaginent et croient que la tradition n’est pas autre chose que le souvenir, le pâle vestige d’un passé qui n’est plus, qui ne peut plus revenir, qui tout au plus est, avec respect, avec reconnaissance s’il vous plaît, relégué et conservé dans un musée que peu d’amateurs ou d’amis visitent. (…)
« Mais la tradition est chose très différente du simple attachement à un passé disparu ; elle est tout l’opposé d’une réaction qui se méfie de tout progrès salutaire. Son nom lui-même étymologiquement est synonyme de marche et de progrès. Synonymie, non identité. De fait, tandis que le progrès indique seulement le fait de la marche en avant, un pas devant l’autre, en cherchant du regard un avenir incertain, la tradition, elle, signifie encore une marche en avant, mais un cheminement continuel qui se déroule en même temps avec tranquillité et vigueur, selon les lois de la vie. (…)
« Sous la force de la tradition, la jeunesse, éclairée et guidée par l’expérience des anciens, s’avance d’un pas plus assuré, et la vieillesse transmet et livre avec confiance la charrue à des mains plus vigoureuses qui vont continuer le sillon commencé. Comme l’indique son nom, la tradition est le don qui passe de génération en génération, le flambeau que le coureur remet, à chaque relais, dans la main d’un autre coureur sans que la course s’arrête ou se ralentisse. Tradition et progrès se complètent réciproquement et avec tant d’harmonie que, de même que la tradition sans le progrès se contredirait avec elle-même, ainsi le progrès sans la tradition serait une entreprise téméraire, un saut dans la nuit (Discours du Saint-Père Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine, 19 janvier 1944)
V – CONCLUSION
Ainsi, très révérends Pères, dignes Sœurs, chers Frères, notre consécration au siècle, notre consécration à Notre Dame exprimée par l’acte effectif de la profession et rappelée par l’usage et la possession du scapulaire, s’accomplit de nos jours, par la reconduite des âmes et de toutes les valeurs de la société temporelle, afin de rendre gloire à Dieu dans les voies de la civilisation chrétienne, ayant en Dieu leur cause finale, ayant en Dieu leur cause exemplaire, dans une direction qui, si elle est une direction de progrès véritable, est pour cette raison même, et en cela même, une direction indiquée par les magnifiques principes de la Tradition chrétienne.