Si l’humanité ne répond pas à l’appel de Fatima, “la Russie répandra ses erreurs dans le monde entier”, a dit Notre Dame

Catolicismo, mai 1960

 

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Révolution et Contre-Révolution en 30 jours

Si au cours des trente jours qui viennent de s’écouler nous avons pu enregistrer des faits importants parmi lesquels nous citerons le mariage inégal de la Princesse Margaret avec un  jeune compatriote dont les parents sont mariés, divorcés et “remariés” plus d’une fois, l’événement marquant au point de vue de la  Révolution et Contre-révolution fut le voyage que Nikita Kroutchev réalisa en France.

Ce voyage constitue le maillon d’une chaîne qui lie la visite du chef du gouvernement soviétique aux Etats Unis à celle qu’Eisenhower doit faire à Moscou.

Les Etats Unis étant un pays où l’influence protestante est prépondérante, la France ayant été le scénario des événements tragiques  de 1789, il semble de ce qui précède que le communisme, qui est  la 3ème Révolution, vienne rendre visite et embrasser les deux ancêtres dont il est issu, l’un étant le protestantisme qui fut la première  Révolution et l’autre la Révolution française. Visite et baiser dans  ce cas prennent une saveur toute particulière. L’idée d’un recouvrement vient à l’esprit. C’est au nom de la logique en effet, que  le communisme vient exiger des deux Révolutions qui le précèdent :  sympathie, appui, collaboration.

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Si, en raison de sa répercussion dans tous les peuples anglo-saxons et étant donné l’influence exercée par les Etats Unis sur toute l’humanité d’aujourd’hui, le voyage du dictateur rouge au  pays de Lincoln s’est revêtu d’une grande importance, il ne peut,  toutefois, être comparé, quant à sa portée, à sa visite en France.

En effet, cette dernière conserve d’un coté, dans le monde entier, une auréole culturelle qu’on ne pourrait sous-estimer. Elle  est de l’autre la Fille Ainée de l’Eglise, un élément de premier plan au sein du bloc immense des nations catholiques et latines.  Ce qui se passe en elle résonne d’une manière particulièrement  vive chez les peuples qui lui sont apparentés par la religion et  par la race. Ceux-ci étant les plus naturellement anti-communistes, il est pour Kroutchev du plus grand intérêt de les séduire.  Le prestige politique et militaire de la France, enfin, brille d’un  nouvel éclat depuis les succès de ses expériences atomiques dans  le Sahara. Ainsi les deux points de mire de l’offensive de paix  de Nikita Kroutchev furent soigneusement choisis. Catholiques  et protestants, latins et anglo-saxons. C’est tout le monde chrétien  de race blanche. Et pendant que l’offensive de Kroutchev se  déploie sur ce front, la Chine communiste mine sournoisement et lentement l’Islam et les populations d’Afrique; toute la terre  est prise ainsi, dans les tentacules du monstre bicéphale du  communisme.

Si l’humanité ne répond pas à l’appel de Fatima, « la Russie  répandra ses erreurs dans le monde entier », a dit Notre Dame,  lors de sa troisième apparition en la grotte de Iria. C’est ce qui  arrive en effet. Le monde n’a répondu que partiellement a  l’appel, et les erreurs du communisme se répandent surabondamment sur notre planète.

C’est sous cet angle que nous analyserons le voyage du Seigneur du Kremlin en France.

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Deux aspects bien distincts sont à considérer dans ce voyage.  Il nous faut voir d’un coté les conversations diplomatiques entre le Général de Gaulle et Kroutchev. Celles-ci se réalisèrent principalement à Rambouillet. En second lieu nous devons considérer l’effet (quant à la propagande) de cette visite sur la France et sur le  monde.

A l’heure où nous écrivons cet article, nous n’avons rien ou que peu de chose à dire sur les résultats diplomatiques de ce voyage.  La lecture du communiqué final nous donne une impression aussi  vague qu’indécise d’un résultat médiocre sur ce plan. De Gaulle ne  s’écartera pas de la ligne générale de la politique française d’après  guerre, et Kroutchev n’obtiendra rien de solide qui puisse lui permettre de réaliser son principal objectif diplomatique, qui est l’affaiblissement des liens qui l’Occident. ll est possible, en effet, que de Gaulle exploite la visite du leader soviétique comme un moyen qui lui permettrait d’améliorer la position de la France dans le concert des nations occidentales. Mais que valent nos considérations, qui ne sont que des suppositions indécises et vacillantes, en face de la probabilité de  la conclusion d’un accord secret entre les deux chefs d’Etat, d’une  portée indéfinie et qui donnerait à la Russie des avantages ne pouvant être connus et évalués que dans un futur plus ou moins lointain ?

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De toute façon, l’accroissement d’un grand pays catholique  et latin ne peut être considéré par l’Occident que comme un bienfait; mais il faut convenir que de Gaulle a paye’ ce bienfait un  prix excessif en permettant que la patrie de Saint Louis, de  Sainte Jeanne d’Arc, de Saint Louis Marie Grignion de Montfort, des héros de la chouannerie offre une scène a l’histrion le  plus dissolu, au fauteur d’hérésies le plus pernicieux de la terre.  Et quelle scène! La meilleure, la plus brillante, celle par laquelle  ont passe’ les personnages les plus illustres du monde civilisé:  Paris! Et comme si cela ne suffisait pas, on lui offre un supplément, un voyage de propagande en province; en cette province  ou (a l’opposé de ce qui se passe dans la Capitale) se trouvent  les meilleures réserves morales du peuple français.

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En agissant ainsi, c’est à dire, en consentant que la résistance  de l’opinion anti-communiste de l’Occident s’affaiblisse, pour obtenir en contrepartie, des avantages pour son pays, le Président de Gaulle  procède tel un passager qui, pour améliorer sa situation à bord, permettrait qu’un adversaire éventrât la coque du navire sur lequel il  se trouve.

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En jugeant sous un autre angle l’action du chef d’Etat français, elle pourrait être comparée a celle d’un gouvernement qui pour obtenir certaines avantages diplomatiques, accepterait, en  toute connaissance de cause, la visite d’un politique étranger, sachant que celui-ci irait disséminer partout capsules contenant les bacilles du choléra ou de la peste; la propagande communiste n’est autre chose pour les âmes.

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De même que lors de sa visite au Président Eisenhower et celle  que Gronchi fit à Moscou, le tyran russe se présenta en démagogue,  affichant ce mélange de vulgarité, de badinage, d’adresse, d’affabilité et, paradoxalement, d’insolence, si propre à séduire la partie  détériorée et bolchevisable (bien grande malheureusement dans toutes les classes) de l’opinion contemporaine. Et voici des exemples:

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A Paris aussitôt après être descendu de l’avion, Kroutchev  parla. Dans ce premier discours il manifesta le désir de voir  s’établir de bonnes relations économiques entre son pays et la  France. Aujourd’hui le mirage des bonnes affaires , séduit et passionne des milliers d’individus dans cette dernière comme dans  le monde entier;  aussi, le visiteur fut-il entendu par bon nombre  de personnes d’oreilles bien prédisposées. Mais il demanda en  même temps l’établissement d’échanges culturelles entre les deux  pays. On voit ou il veut en venir. Pour lui cela équivaut au  droit d’envoyer en France des agents de propagande de toute espèce: savants, danseurs, et peut-être même des ours savants tel  que celui qui nous avons vu au Brésil.

“Je vous donnerai de l’argent mais laissez moi dévaser vos  âmes”… tel est le sens de cette offre astucieuse…

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Lorsque Kroutchev sortit de l’avion qui l’amena aux Etats Unis,  tout le monde put noter son assurance. C’était pour lui le moyen  de capter la sympathie d’une nation qui, en fait de manières, apprécie  avant tout le dégagé et la spontanéité. Peu de semaines après, c’est  un homme renfermé et froid, qui se présente en Chine, en cette  Chine glaciale et réservée. A Paris, c’est un homme timide qui quitte  l’avion. En affichant cette timidité il veut rendre hommage au niveau élevé du milieu français; il veut en outre établir un contraste  avec la désinvolture des touristes américains qui choque si fort les  français. Pure démagogie…

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En plusieurs occasions, au cours de sa visite, Kroutchev attaqua l’Allemagne Occidentale. Cette attitude, en diplomatie est une attitude purement insolente et sauvage. Un chef d’Etat en  visite a l’étranger n’a pas droit de se saisir de l’occasion qui lui  est offerte pour entreprendre une campagne diffamatoire contre les alliés ou les voisins du pays qui le reçoit. Il peut encore moins interrompre un discours prononcé en sa présence par une  haute personnalité locale pour protester parce-que celle-ci n’emploie pas dans son discours des termes aussi violents qu’il ne  désirerait contre le voisin. Et cependant c’est ce que fit M. Kroutchev.

Cette invasion des habitudes barbares dans la diplomatie met en péril la civilisation et la paix.  Mais, c’est ainsi que le Tsar soviétique a l’habitude de procéder dans sa “politique de paix”. L’insolence incroyable dont il fit  preuve â l’égard de M. Gronchi en est un exemple. Il agit de cette manière pour plusieurs raisons patentes et une raison non  patente. La non patente, tout au moins pour quelques-uns, est  le fait qu’au plus les habitudes se rebaissent et se dégradent au  plus le monde se prépare à être bolchevisé.

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Autre exemple de cette dégradation systématique:

Il est dans l’ordre naturel des choses que l’on mette à la disposition d’un autre que l’on reçoit ce qu’il y a de meilleur dans la maison. C’est ainsi que le menu du banquet que l’on offre à un  chef d’Etat étranger est toujours somptueux. Le protocole soviétique a aboli cette règle. Aussi, sauf en de rares exceptions, le menu  et les vins ont-ils été des plus communs.

Pourquoi? Parce qu’il faut que tout s’avilisse, se nivèle, se  vulgarise. C’est la civilisation qui meurt dans sa quintessence et la vulgarité qui monte. C’est en somme le communisme qui impose son  style et qui s’empare de l’humanité.

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Voici, maintenant un exemple de cynisme.

Le chancelier allemand, M. von Brentano, fit récemment à, la politique soviétique l’objection décisive suivante: alors que la moindre tribu d’Afrique peut moyennant un plébiscite, décider librement de son destin, une partie de l’Allemagne, la Pologne, la  Tchécoslovaquie et la Hongrie se voient privées de ces droits. Et  le joug communiste pèse sur elles en toute sa brutalité.  Malgré cela, K. osa parler en France de la liberté des peuples,  de l’indépendance des masses etc. Cette contradiction flagrante  inspire une horreur profonde aux esprits droits; mais, pour les  classes pré-bolchevisés ou bolchevisés, ce cynisme est fascinant. Les démagogues ont toujours fasciné lorsque, pour montrer leur pouvoir, ils foulèrent brutalement sous leurs pieds toutes les lois  de la décence et de la modestie.

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Le sang des martyrs hongrois fit entendre son cri de réprobation en France. La honte du dictateur rouge est si flagrante aux  yeux de tous qu’il suffit qu’un drapeau hongrois paraisse pour que  cela soit considéré un outrage à sa personne.

C’est ainsi que l’on dut faire retirer un pavillon magyar de la fenêtre d’un immeuble qui fait face au Quai d’Orsay. On le comprend. Rien n’aurait pu incommoder plus Caïn que la vue de quelque objet qui rappelât Abel.

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Lorsque passera la “procella tenebrarum” (Jud. 13) dans  laquelle nous nous trouvons, si l’on écrit l’Histoire de nos jours,  il faudra reconnaitre que le peuple allemand, écrasé comme il le fut par la défaite dans laquelle l’entrainèrent les tueurs nazistes, humilié et divisé, réduit à un simple fragment de son ancienne  grandeur, a eu la gloire d’avoir a sa tête un homme comme Adenauer (dont les défauts d’ailleurs ne sont pas les moindres) qui  revendiqua la lourde tâche d’employer le glaive de Dieu contre  l’Antéchrist soviétique.

Kroutchev s’en moqua pour cette raison et le diffama autant qu’il put, c’est certain.

Mais derrière les sarcasmes, transparaissait très visiblement un autre sentiment : la peur.

Quelle gloire pour un blessé de guerre que de faire tomber de  son unique bras momentanément valide, un géant qui, a son tour, inspire la crainte a toute la terre!

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Si, pour l’Allemagne, cela représentera un fait glorieux, en contrepartie, l’attitude du chanoine Kirr sera à tout jamais, pour nous  catholiques, d’une tristesse ineffaçable. On se rappelle, en effet,  qu’en sa qualité de député-maire de Dijon, celui-ci se disposait à recevoir Nikita Kroutchev et à serrer de sa main sacerdotale celle du  tyran, rouge du sang des martyrs de l’Eglise du silence.

Combien le chanoine Kirr nous a consterné quand il déclara avoir pleuré à la lecture de paroles élogieuses dont Kroutchev l’a comblé dans son discours de Dijon. Nous pourrions lui demander  s’il pleura aussi lorsqu’il lut les descriptions des atrocités pratiquées par les partisans du dictateur rouge ? S’il a pleuré quand il sut qu’à Syracuse Notre-Dame versa des larmes sur les péchés du monde, dont l’un des plus graves est sans doute l’indifférence d’une grande partie des fils de la lumière en face du progrès des ténèbres ?

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En compensation les anges se sont réjouis au plus haut des cieux lorsque l’Evêque de Dijon défendit au chanoine Kirr de recevoir le visiteur bolchevique.

Le prélat aurait-il mal agi? Un catholique laïque de bonne renommée de la ville le prétend et publia une note de protestation  dans la presse, dans laquelle il rappelle que Notre Seigneur recommanda le pardon des injures et désire que celui qui reçoit une  gifle sur un coté de la face offre l’autre coté aussi.

Le Divin Maitre n’a-t-il pas réprimandé directement des pécheurs ? Ne les a-t-il pas châtiés pour leurs fautes ?

Y aurait-il une contradiction entre les conseils et les actes  du Sauveur ? Non, jamais. Mais il y a des pécheurs que le pardon n’émeut pas. Pour la gloire de Dieu, pour leur bien, pour  le bien de tous, ceux-ci doivent être combattus.

Kroutchev est l’un d’eux.

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Si  cela avait été nécessaire le propre tyran l’aurait prouvé. Peu  de temps après ce fait il fit l’éloge de Notre Seigneur (quel honneur  pour l’Homme Dieu…) et ajouta, toutefois, que l’acte d’offrir  l’autre coté de la face pour recevoir un second soufflet lui paraissait  déraisonnable et qu’il n’acceptait pas cette maxime.

Comment pourrait-il être alors attendri par la douceur ? Et  que faire dans ce cas ? Faudrait-il lui laisser le champ libre pour qu’il pratiquât tout le mal qu’il désire pratiquer ?

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Nous ne pensons pas cependant que cela impressionne le  leader de la gauche catholique auquel nous faisons allusion. Qu’y a-t-il de plus difficile que de reconduire à la raison un homme qui, à l’exemple d’un catholique de gauche, vit dans la contradiction  et s’en alimente ?

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La dépêche nous informe que Son Excellence Monseigneur  l’Evêque de Dijon publia une déclaration selon laquelle il aurait  agit sur l’ordre de Rome.

Si cette information est exacte – et probablement Son Excellence a du contacter Rome avant de prendre une attitude si importante et aura sans doute reçu le conseil d’agir avec énergie – il  y a en cela un titre de gloire à ajouter au Pontificat court mais déjà immortel du Saint-Père Jean XXIII, ce Pape qui est un don de  Dieu pour la terre.

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Ces considérations nous amènent à commenter l’épisode culminant de la visite de Kroutchev en France; épisode qui rentre  entièrement dans la ligne du règne de Jean XXIII. La vieille  cathédrale de Reims dans laquelle Sainte Jeanne d’Arc, remplissant la mission divine qui lui avait été confiée, fit couronner le  roi Charles VII, reçut la visite du plus haut représentant d’un  régime régicide et athée.

Mais avant l’arrivée de Kroutchev, le clergé de l’église historique dans une protestation symbolique sublime en sa simplicité  et en sa signification, avait éteint les lumières et déposé le Saint-Sacrement dans la crypte. La visite se fit dans une profonde  obscurité et ne dura que dix minutes…

Il y a tant de force et tant de beauté dans cet épisode que  c’est avec émotion que nous le signalons.

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