Synthèse de la Doctrine du Nationalisme Argentin: Doctrine apparente et doctrine réelle – Un idéal catholique et de restauration de la Chrétienté medievale – Les faux modèles européens

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CHAPITRE UNIQUE – Synthèse de la Doctrine du Nationalisme Argentin
Du livre « El nacionalismo, una incógnita en constante evolución » ( « Le nationalisme, une énigme en constante évolution », Buenos Aires, 1970, par une Commission d’Études de la TFP présidée par Cosme Beccar Varela (fils) et composée de Carlos F. Ibarguren (fils), Jorge Storni, Miguel Beccar Varela et Ernesto Burini – Cette traduction française n’a pas été révisée par les auteurs.)
RÉSUMÉ DU CHAPITRE
Le nationalisme a toujours eu une doctrine apparente et une autre réelle. La cause de cela réside dans le fait que le nationalisme s’est toujours nourri de la force du renouveau catholique du début du siècle, à partir de saint Pie X et des apparitions de Notre-Dame de Fatima. Cela l’obligeait à parler d’une manière acceptable pour le peuple fidèle. Mais en même temps, il subissait l’influence d’auteurs et de mouvements européens qui l’inspiraient de façon décisive. De là naquirent une « doctrine apparente » et une « doctrine réelle » dans la thématique nationaliste.
Face aux calomnies de la « légende noire » et à l’utopie libérale, le nationalisme brandit l’étendard de la restauration de la vérité historique et de l’idéal hispanique. Il se déclara ainsi partisan d’une Vérité absolue, de la hiérarchie et de l’ordre social organique.
Mais les nationalistes, faute d’originalité pour continuer la tradition hispanique dans les temps modernes, et faute de solides principes catholiques, se laissèrent entraîner monotonement par la dernière « mode » des mouvements politiques européens, en commençant par le fascisme. Ce « snobisme » les conduisit à soutenir des doctrines opposées à l’idéal qu’ils proclamaient. Ils adoptèrent un évolutionnisme hégélien qui leur servit à justifier leur propre évolutionnisme, et par là ils obtinrent des avantages politiques.
La mentalité dialectique du nationalisme repose sur un principe implicite : la Vérité absolue est limitée et peu vitale ; le relatif, en revanche, est immense et d’une grande influence dans l’Histoire. D’où l’importance que le nationalisme attribue à « l’historique ». Cette dialectique se distingue de la marxiste. Rien n’y est tranchant ni exclusif. Ce qui est aujourd’hui peut ne pas l’être demain. « L’essentiel » est toujours sauvé, mais d’une manière vague et imprécise. Cela implique un manque de sérieux dans le nationalisme.
La doctrine sociale, politique et économique du nationalisme ressemble beaucoup au « maurrassianisme » et au « fascisme ». L’homme est un être social ; l’individualisme est un grave mal qui détruit la Nation. Une élite vigoureuse doit réagir contre cela et imposer une dictature. L’économie doit être strictement contrôlée. Une réforme agraire doit être instaurée. Les corporations d’État réuniront les classes productrices, antagonisées par le capitalisme libéral. L’Église est une partie de la Nation avec laquelle il faut entrer en relation de parité, au moyen d’un Concordat. En matière d’éducation, ils soutenaient la nécessité de lui donner un contenu catholique. Ces deux positions sont d’origine maurrassienne parce qu’elles ne reconnaissent pas à l’Église sa supériorité surnaturelle. En politique internationale, ils préconisaient une conduite indépendante.
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1 — Doctrine apparente et doctrine réelle
Une cause qui contribue particulièrement à rendre difficile la découverte et l’exposé de la doctrine du nationalisme consiste dans le fait que celui-ci a eu, presque à toutes les étapes de son histoire, une doctrine apparente et une autre réelle. C’est-à-dire qu’il existe certaines affirmations dans ses écrits qui rendent hommage à un principe, mais lequel ne reçoit ensuite aucune application logique dans d’autres aspects de sa pensée. Et nous savons que ce premier principe n’est qu’apparent et que le second est celui qui les anime réellement, car leurs actes publics, les positions qu’ils adoptent face à l’histoire ou à la politique, sont guidés toujours ou presque toujours par le second et non par le premier.
On pourrait se demander la raison de cette dualité. La réponse est la suivante : ainsi que nous l’expliquons dans la partie historique de ce travail, le nationalisme apparut au début de ce siècle comme l’expression d’une renaissance du catholicisme dans tous les pays de la Chrétienté, renaissance dont le Pontificat de saint Pie X constitue un sommet. Cette renaissance, produite sans doute par la grâce, poussait aussi bien des hommes issus des classes les plus modestes que de l’aristocratie et de la classe moyenne ; autrement dit, il ne s’agissait pas d’une école intellectuelle fermée qui aurait fleuri comme une fleur rare dans un milieu hostile. C’était une puissante infusion de l’Esprit-Saint que Notre-Dame de Fatima porta à son apogée par ses apparitions aux petits bergers portugais.
Cette vague merveilleuse n’est pas morte. Défigurée de mille manières par tant de ceux qui ont prétendu la représenter, elle demeure néanmoins et constitue le gage d’une promesse de Dieu : celle d’une Restauration pleine et totale.
Le nationalisme s’est toujours nourri de ce courant. Il a vécu du prestige qu’il obtenait dans les milieux catholiques. Sans cela, sa force de base n’aurait jamais existé. Cela l’obligeait à parler d’une manière telle qu’il puisse être compris et approuvé par le peuple fidèle. Mais, indépendamment de cela, il commença bientôt à suivre ses propres élucubrations. Des idées nées dans les cercles intellectuels européens, surtout français, et qui ne provenaient pas des doctrines limpides et accessibles de la Sainte Église, pénétrèrent de plus en plus dans le vocabulaire et dans les thèmes du nationalisme. Or, ces doctrines n’étaient pas faites pour la masse. Il convenait donc de les réserver à certains cercles ou de les présenter entourées d’aspects familiers. C’est ainsi que naquit la dualité dont nous parlons.
La méthode de notre étude sera donc de distinguer, autant que possible, les doctrines réelles des doctrines apparentes.
Nous ne voulons pas considérer ici la question de la bonne ou de la mauvaise foi avec laquelle on suivait — et l’on suit encore — cette méthode. Nous nous en tenons au fait nu et objectif. 
2 — Un idéal catholique et de restauration de la Chrétienté médiévale
Face au monde moderne, fils de la révolution antichrétienne qui avait détruit le Moyen Âge — véritable printemps de l’histoire, comme le disait Pie XII dans un de ses discours —, le nationalisme argentin brandit l’étendard de la restauration de l’ordre catholique et hispanique.
Notre histoire officielle avait été écrite par les libéraux, imprégnés du scepticisme voltairien de la Révolution française, admirateurs des écrivains encyclopédistes, des idéaux du laïcisme, de la science et de la démocratie égalitaire à la manière nord-américaine. C’est pourquoi cette histoire dénigrait l’œuvre civilisatrice de l’Espagne, l’accusant d’obscurantisme, de despotisme et de cupidité. La « légende noire », dont le promoteur — peut-être involontaire — fut frère Bartolomé de Las Casas, fut relayée avec intérêt par les libéraux américains.
Ce mouvement n’était pas spontané. Il a été prouvé jusqu’à satiété qu’il était coordonné par la franc-maçonnerie, laquelle joua un rôle de première importance dans l’Indépendance et l’organisation de notre pays.
Lorsque apparaît la génération nationaliste, elle se place dans une position ouvertement polémique contre ces calomnies. Elle défend l’idéal traditionnel d’hispanité catholique, aristocratique et patriarcal. Et son zèle va jusqu’à distinguer entre la monarchie bourbonienne, instaurée en Espagne à partir de Philippe V, et l’ancienne dynastie des Rois de la Maison d’Autriche. Aux premiers, elle reproche d’être imprégnés d’encyclopédisme libéral et d’avoir introduit le système du despotisme éclairé. Et dans les Habsbourg, elle exalte les Rois Catholiques, traditionalistes et respectueux des inégalités et des privilèges, véritablement soucieux du progrès spirituel et matériel de notre continent.
Correspondant à cette attitude historique, le nationalisme chercha à approfondir la connaissance et la défense des principes catholiques et des droits de l’Église. Contre le scepticisme libéral, il affirmait l’existence d’une Vérité absolue ; contre le relativisme moral, il affirmait la nécessité de se soumettre à la Loi éternelle, immuable, dictée par Dieu.
Dans le domaine social, il s’opposait à la vague égalitariste, défendant la nécessité de la hiérarchie. Cela le plaçait dans l’opposition la plus intransigeante au socialisme et au communisme.
Dans le domaine politique, lassé des spectacles de la démagogie partisane, il soutenait l’urgence d’une restauration de l’autorité, et, avec elle, des corps intermédiaires, par le biais du corporatisme.
3 — Les faux modèles européens
Cependant, par manque d’originalité pour exprimer tous ces idéaux en termes postcoloniaux argentins, par manque de principes nettement catholiques qui leur auraient permis d’accomplir cette tâche sur le plan idéologique, ils tombèrent dans un « snobisme » stérilisant. Ils ne comprirent pas qu’en Argentine il existait non seulement un colonialisme politique de l’Europe, mais aussi un colonialisme idéologique à l’époque où ils étaient jeunes, et qu’il fallait donc innover en s’inspirant du passé et non simplement copier la dernière mode intellectuelle.
C’est pourquoi ils sombrèrent dans le « snobisme » et, au lieu de faire quelque chose d’authentiquement hispano-argentin, fidèle à l’esprit qui présida au règne des Habsbourg — qui n’était autre que l’esprit médiéval — les nationalistes firent autre chose : ils commencèrent, de façon monotone, à adopter les divers types et styles de la dernière mode européenne qui leur paraissait la moins éloignée de cet idéal. Ainsi furent-ils fascistes, puis phalangistes, et, en Argentine, philopéronistes ; aujourd’hui ils sont vaguement réactionnaires et gauchistes, ou nettement gauchistes, ou tout cela à la fois, à cause de la désorientation idéologique actuelle.
Au moment où la dernière mode dans le domaine économico-social semble être la convergence idéologique entre Orient et Occident, dont l’idéologue le plus récent et le plus « élégant » est Roger Garaudy, il ne serait pas surprenant que bientôt, dans les rangs nationalistes, la fidélité à la mode suscite des « apôtres » tapageurs de cette convergence.
Cette course derrière le « snobisme » les conduisit à accepter successivement des doctrines, toutes contraires, au moins sur certains points fondamentaux, à l’idéal qu’ils annonçaient initialement. Ces négations, par leur logique propre, devraient peut-être les conduire, au fil des ans, à la négation de tout cet idéal.
Dans la synthèse historique, on remarque le substrat idéologique relativiste du nationalisme. Mais il faut ajouter que cet éclectisme servit beaucoup la carrière politique de ses membres. Pourquoi ? Parce qu’avec peu de création intellectuelle, une production abondante, des formules hispanistes stéréotypées et des travaux de vulgarisation — revues, journaux, livres, etc. — ils se firent connaître et projetèrent, sur l’échiquier politique, le prestige ainsi acquis. Cela leur permit de jouer un rôle marquant dans trois situations historiques : premièrement dans le péronisme, deuxièmement dans le renversement du péronisme et troisièmement dans le « banquet » syncrétiste qui suivit le péronisme.
Ils justifièrent ce processus au nom d’un évolutionnisme hégélien qu’ils adoptèrent dès le début, non sans habileté stratégique. Résultat : la seule chose qui demeura constante chez eux fut leur relativisme. Ils ne l’abandonnèrent jamais. Ce fut la piste invariable qu’ils suivirent continuellement, dans un déplacement toujours orienté de la droite vers les positions gauchistes les plus radicales.
Cet évolutionnisme fait partie de la dialectique hégélienne, qui, dans le nationalisme, pourrait se formuler de la manière suivante : il existe une contradiction constante entre le pays réel et le pays légal. De cette contradiction résulte une crise, de laquelle surgira l’État nationaliste, qualitativement distinct de l’État libéral mais également différent du régime hispanique de l’époque coloniale.
4 — La dialectique nationaliste
La mentalité dialectique est beaucoup plus répandue, par l’action de la Révolution antichrétienne, qu’on ne pourrait le supposer à première vue. Elle se nourrit de l’utopie irénique ou pacifiste suscitée par la Révolution : ne pas discuter sinon pour coïncider. (Cf. Plinio Corrêa de Oliveira, Transbordo idéologique inaperçu et dialogue, Édition « Cruzada », Buenos Aires, 1966).
La polémique ne se justifie qu’en vue de la synthèse. Puisque la discussion est un fait inévitable, il s’agit de la domestiquer en la rendant dialectique.
Ce qui, dans un grand secteur de l’opinion publique, se présente sous la forme d’une mentalité et d’une tendance, se manifeste, dans une minorité dirigeante, de façon plus ou moins explicite sous forme de présupposés métaphysiques et de méthodes d’action.
Le principe métaphysique est le suivant : la Vérité absolue n’existe pas, ou bien elle n’existe que sur des points si limités et rares, ou si abstraits et élevés, qu’ils sont presque sans pertinence, non pas faute d’importance mais faute d’influence dans la vie. L’absolu est moins vital que le relatif, et ce dernier constitue la trame de l’histoire.
Il en découle que l’histoire est la science la plus importante, puisqu’elle traite de ce qui influe le plus sur nous.
Ce relatif n’est pas immobile ; il évolue par oppositions successives, qui ne sont pas destructrices mais créatrices, et qui conduisent au progrès de l’Humanité. De là vient le nom de dialectique donné à cette philosophie. La « dialectique » est la logique appliquée à l’art de la conversation ou de la discussion. Elle produit un échange ou un choc de principes, selon les règles immuables de la pensée.
On voit qu’au fond de ce relativisme optimiste, il y a en réalité un panthéisme, puisque, si l’absolu est sans pertinence, Dieu, qui est l’Absolu Suprême, ou bien est méprisable, ou bien est relatif et mobile. S’il s’agit du premier cas, il y a un athéisme larvé, car un dieu changeant est absurde. S’il s’agit du second, qui est la seule issue cohérente du système, Dieu est interne à la nature changeante : c’est donc un Pantheos (Dieu-toutes-les-choses).
Il est clair que les nationalistes n’affirment pas ces dernières conséquences de leur système. Au contraire, ils proclament à tout moment leur foi en la transcendance de Dieu Créateur, en l’Église, etc. Mais on peut leur appliquer le même principe que le P. Meinvielle utilise contre Maritain : « Ce libéralisme catholique ne doit pas être considéré comme un système rigide mais comme un ensemble de tendances plus ou moins cohérentes… » (De Lamennais à Maritain, p. 115).
Voilà, en définitive, ce qui constitue le nationalisme : un ensemble de tendances exprimant un dialecticisme constant, quoique d’intensité et de profondeur variables.
La dialectique nationaliste se distingue de la dialectique marxiste. Pour le matérialisme dialectique, la Nature physique est la seule réalité. Celle-ci est composée de contradictoires qui luttent constamment entre eux. Dans l’ordre social, ce sont les classes sociales qui s’opposent. La lutte doit être accélérée par des moyens violents.
Dans la position nationaliste, la dialectique est un fait qui dénote la vie. Il ne s’agit pas d’accélérer la lutte, mais de hâter la synthèse. L’idéal est la synthèse qui en résultera. Celui qui n’accompagne pas l’évolution pratique des choses est un réactionnaire exécrable : au besoin, il faut recourir à la violence. Mais, à la différence des marxistes, ils croient à l’esprit et voient, dans l’évolution de l’Histoire, une manifestation de la Providence de Dieu.
Ainsi, pour eux, une dissension absolue n’a pas de sens, car rien n’est tranchant ni exclusif : le monde change, les circonstances varient. Ce qui est aujourd’hui peut ne pas l’être demain. Excepté « l’essentiel » (toujours nommé ainsi, d’une façon vague et vaporeuse), sur lequel nous sommes tous d’accord. Et puisque nous sommes tous d’accord, cela n’entre pas dans la dialectique et, par conséquent, n’entre pas dans la vie. Cela n’exclut évidemment pas que chacun expose sa pensée avec véhémence si nécessaire. Mais il n’y aura pas de séparations définitives.
Chez les nationalistes les plus catholiques, la dialectique se manifeste entre une thèse — la Théologie et la doctrine de l’Église — et une antithèse, qui serait la réalité politique changeante. La synthèse consistera en une application imprévisible, qui ne sera pas une conclusion logique (car l’individuel est ineffable), des prémisses théologiques. C’est pourquoi, lorsqu’on lit les textes de tels nationalistes exposant la thèse, ils paraissent d’une orthodoxie absolue et sans fissures. Mais on les verra toujours, soit dans le même livre, soit dans un autre immédiatement postérieur, se référer à la réalité politique dans les termes les plus relativistes, tirant ensuite les conclusions synthétiques les plus variées : hier ils étaient partisans du fascisme, aujourd’hui d’un syndicalisme gauchisant, demain on ne sait de quoi. Ils sont dialectiques et leurs conclusions sont toujours imprévisibles. Ils ont une justification pour tout.
Le caractère dialectique de la pensée nationaliste se traduit par un manque notable de sérieux idéologique. Nous entendons par sérieux celui de l’Église catholique, de saint Thomas d’Aquin, et tel qu’il est compris par les sciences positives.
L’accusation portée par la doctrine catholique contre le relativisme est qu’il manque totalement de sérieux, de la même manière qu’une étude d’astronomie ou de médecine qui serait relativiste serait accusée de manquer de sérieux.
5 — « Pays réel » et « politique des choses »
Les nationalistes se présentent comme des intellectuels, mais en même temps professent un grand mépris pour les « idéologies », impliquant dans de nombreux cas, de façon directe ou indirecte, le catholicisme lui-même. Certains nationalistes en viennent à concevoir les doctrines comme des « mythes » inventés par l’homme pour expliquer plus commodément la réalité, souvent des mythes intéressés qui permettent aux puissants de maintenir une domination illicite sur les peuples.
Ils parlent — parodiant Mussolini — d’une « politique des choses », c’est-à-dire d’une politique qui n’énonce pas mais agit. Cela leur permet d’intervenir pleinement dans la « dialectique historique », de ne pas être réactionnaires — ce qu’ils craignent — et même de coopérer avec les forces qui sont « à l’intérieur du national », c’est-à-dire à l’intérieur de la dialectique.
L’admiration qu’ils ont ressentie dès le début pour des intellectuels comme José Ortega y Gasset en est un indice. Cet auteur professait un relativisme complet et son œuvre est profondément corrosive. Il était partisan de mettre fin à la sagesse catholique, thomiste et architectonique, et de la remplacer par une philosophie de la vie, intransmissible, faite de concepts occasionnels et concrets, et non nécessaires et abstraits. Tout comme il pensait, il écrivait, dans un style ésotérique et pédant.
Peu de nationalistes ne citent pas Ortega y Gasset avec admiration.
Un auteur catholique, surtout en une époque confuse et pleine d’hérésies comme la nôtre, devrait être d’une clarté limpide, s’efforcer d’être bien compris, exposer ses idées avec ordre et logique, réfuter les erreurs de manière nette et radicale. Le nationalisme, malgré une doctrine apparemment polémique et combative, n’a jamais été cela de façon cohérente, mais tout au contraire.
La préoccupation centrale du nationalisme est de ne pas s’écarter du « pays réel », prenant ce dernier comme une donnée mobile, une nature changeante avec les différents temps. La voix profonde de l’Histoire, qui leur parle à travers les « choses », le « national » et le « sentiment du peuple », les guide. Dans cette attitude, la ressemblance entre le nationalisme et les groupes prophétiques (voir « Tradition, Famille, Propriété », n° 4-5, juin-juillet 1969), progressistes, est très grande.
À la loi dialectique des « choses », du « pays réel », ils donnent le nom « d’intérêt national ». Celui-ci devient la norme directrice mobile du nationalisme. Il se définit par opposition à « l’idéologie », exécrable engendrement des « idéologues », théoriciens de cabinet. Nous pouvons résumer les « règles » de « l’intérêt national » ainsi :
a) Ce qui intéresse la Nation, c’est le développement de sa puissance physique, dans l’ordre de la richesse et de la puissance militaire.
b) Pour connaître les voies de ce développement, une observation directe des choses pratiques et matérielles vaut mieux que la pensée abstraite d’une idéologie.
c) En cas de conflit entre une idée digne de respect, et un intérêt matériel, cette dernière doit céder, sans que cela implique renier celle-ci.
d) Les idées importantes sont celles liées aux origines de la Nation et, pour cette raison, ont prouvé leur efficacité pratique.
e) Cette doctrine ne se formule pas comme une philosophie : c’est une « praxis ». Il est donc dénué de sens de la comparer à un corps orthodoxe et magistral de doctrine, y compris les principes exposés aux paragraphes c) et d) ne seront pas confessés en tant que thèses. Ils n’apparaîtront que comme opérants dans un cas concret. Les nationalistes acceptent la composition idéologique avec des personnes ou courants qui se trouvent en position opposée à celle qu’ils affirment occuper, donnant à cette habitude de composition un sous-entendu comme si l’ordre pratique n’admettait jamais l’application intégrale et fidèle des principes, mais devait être constamment en connubium avec une réalité opposée. Dans cette conception de l’histoire et de la vie, ils réduisent l’idéal de la civilisation chrétienne à une chimère et fabriquent des situations épouvantables comme un fruit nécessaire de la sagesse politique.
f) Les « choses » qui composent l’intérêt national doivent vivre, progresser. Pour cela, elles doivent dépasser ce qui s’y oppose, mais pas de manière absolue, car dès lors qu’une « chose » entre en collision avec une autre, elle s’adapte ou se transforme en quelque chose, et il en résulte une amélioration ou, du moins, une nouvelle circonstance. Donc, si la « chose » précédente persistait à se présenter strictement de la même manière, cela signifierait qu’elle a cessé d’être une « chose » pour se transformer en « réaction », en idéologie inutile. Par exemple, on reconnaît le rôle de l’aristocratie argentine jusqu’en 1916, date à laquelle triomphe le radicalisme populiste. Mais à partir de ce moment, l’aristocratie qui prétend maintenir sa position n’est plus une « chose » bénéfique mais une oligarchie exécrable.
On pourra objecter : « Ce n’est pas ainsi que pensent les nationalistes, car ils glorifient Rosas, qui est une chose du passé ». Oui, mais que prennent-ils de lui ? Une ligne de conduite, donc une praxis, non une idéologie. La praxis continue, l’idéologie est abandonnée. Ils ne prennent pas de Rosas, par exemple, la persécution de l’immoralité, en promulguant un décret comme celui qu’il a signé le 3 octobre 1831 contre les revues immorales.
g) Étant donné que ce qui importe ce sont les « choses » matérielles, c’est-à-dire le pouvoir et la richesse, et étant donné que ces « choses » existent indépendamment de nous et qu’elles ont un mouvement dialectique qui leur est propre, il s’ensuit que la pensée, pour être juste, surtout la pensée politique, doit être déterminée par les « choses ». Les « choses », l’histoire, en définitive, contiennent un message que le bon intellectuel et le bon politique doivent capter et exprimer.
Comme nos lecteurs peuvent le constater, il existe une grande similitude entre cette doctrine et la doctrine des groupes prophétiques concernant les « signes des temps » (voir « Tradition, Famille, Propriété », n° cité).
h) La « politique des choses » et la poursuite de l’intérêt national conseillent l’union de toutes les forces qui dialectiquement représentent « le national ». Cela conduit le nationalisme à un véritable « œcuménisme » politique, selon lequel il nouera les alliances les plus variées : hier lointain avec les conservateurs, hier plus proche avec les fascistes et nazis, plus tard avec les péronistes, ensuite avec les libéraux et radicaux, avec les frondicistes et avec les progressistes de gauche, et demain avec quiconque, selon leurs raisonnements dialectiques, pourra être jugé utile à l’intérêt national.
i) La politique des « choses » conduit par sa propre logique à l’empirisme pragmatique : ce qui importe, c’est la pratique et non les doctrines.
j) La dictature, en tant que forme de gouvernement, est cohérente avec la politique des choses. Parce que le pouvoir exécutif est le moins « idéologique » de tous les pouvoirs. Le pouvoir législatif raisonne, le judiciaire suit une norme dont la rigidité contredit la perpétuelle mobilité des choses. En revanche, l’exécutif est en contact immédiat avec les choses, toutes relatives et en gestation. La dictature fera avancer les choses, fera taire les dissensions idéologiques, accomplira une œuvre concrète.
Le profond mépris pour les « idéologies » ne les empêche pas d’en avoir une propre, seulement il est plus difficile de la déterminer. Un moyen utile pour cela est de voir non seulement ce qu’ils disent, mais surtout ce qu’ils ne disent pas. Les silences et omissions du nationalisme sont souvent plus éloquents que ses paroles.
Ainsi, on constate qu’ils sont profondément laïcistes. Il est remarquable de constater l’absence de justification religieuse pour des attitudes et doctrines qui ne peuvent se justifier que religieusement. Peu de références à la doctrine pontificale et aux auteurs catholiques traditionnels. S’il est possible de justifier une thèse en citant un auteur non catholique ou moderniste, ils le préfèrent.
Il est clair que ce n’est pas toujours ni tous qui agissent ainsi. Au sein de cet ensemble de groupes et personnes appelé nationalisme, certains, comme le Père Meinvielle, ont écrit des livres presque entièrement fondés sur des textes pontificaux. Pourtant, le Père Meinvielle adopte parfois dans ses œuvres une position différente. Et la contradiction entre une position et l’autre fait sentir l’émanation de la mentalité relativiste du nationalisme. Cela explique facilement la fréquente connexion des activités civico-culturelles du Père Meinvielle avec des nationalistes de tous bords, y compris les plus nettement relativistes.
Parmi les thèses qui exigent une fondation religieuse, il y a la critique du libéralisme. Les nationalistes le qualifient généralement d’apatride, d’étranger, etc., mais rarement comme l’Église le fait. Concernant le communisme, de même, « international », dogmatique-rationaliste, etc., mais rarement comme pervers, selon l’appellation de l’Église. Quant à l’immoralité régnante, lorsqu’ils la critiquent, ils fondent leur critique sur le fait qu’elle détruit la fibre de l’homme, et non sur le fait qu’elle viole la loi de Dieu.
Le caractère relativiste du nationalisme a permis la coexistence en son sein de groupes et de personnes aux positions idéologiques diverses. On les voit parfois polémiser entre eux. Mais ces polémiques, même violentes, ne sont qu’un jeu dialectique. L’unité fondamentale subsiste. Leurs polémiques sont une sorte de danse militaire.
Le nationalisme est comme un grand clavier où résonnent diverses notes formant une harmonie résultante. Certaines touches ont pour mission un accompagnement de fond, donnant un ton de doctrine traditionnelle à l’avancée moderniste des autres. Certains d’entre eux témoignent d’une sincérité non exempte de superficialité dans l’adhésion qu’ils montrent aux idéaux de l’hispanité catholique. Cependant, ces touches contribuent à l’ensemble et ne peuvent donc pas être exemptées de la critique générale. Elles confèrent plutôt au tableau de la dialectique interne une gravité extrême et intéressante, donnant plus de résonance à l’orchestration.
Nous avons mentionné Maurras comme inspirateur du nationalisme. Cela est évident. Il est vrai qu’après la condamnation publique du fondateur de « l’Action Française », en 1925 (21), il ne leur fut plus possible de maintenir une adhésion publique à l’auteur cité. Mais son style, mordant, hautain et catégorique, ses analyses « réalistes » de la politique, son empirisme fondamental, son concept d’élite artificielle et païenne, sa passion pour la dictature et les corporations, sa haine des « idéologies », son culte de la force et surtout sa politique d’abord (politique avant tout) (22), continuèrent à exercer une grande influence sur la pensée nationaliste. Encore aujourd’hui, même les plus jeunes le citent avec révérence et admiration.
Il ne fait aucun doute que le fascisme de Benito Mussolini a également eu une grande influence dans la formation du nationalisme. L’idée du corporatisme est prise du mouvement italien et non de la tradition médiévale. Les corporations dans la thématique nationaliste sont des instruments de l’État pour organiser la Nation en vue du développement économique. Ce n’était pas le cas de la corporation médiévale, qui était au contraire une société organiquement formée par les membres d’une profession, destinée principalement à favoriser l’élévation spirituelle de ses membres et à maintenir la qualité des produits. Pour accomplir ces buts, la corporation possédait toute une hiérarchie et un certain pouvoir juridictionnel. Loin d’être un instrument aux mains du pouvoir suprême, elle constituait un frein sain à ce pouvoir.
Le nationalisme a tiré parti de cette équivoque et continue de le faire. Né pour défendre un principe spirituel, le nationalisme a évolué de plus en plus vers une mentalité que l’on peut qualifier « d’économiste ». Par-dessus tout ce qui est historiquement valable, l’économie joue un rôle fondamental. Il importe peu de savoir si ontologiquement elle est supérieure. Cela est réservé aux idéologues. Ce qui est certain, c’est qu’il ne peut y avoir de nation catholique sans qu’il y ait d’abord une nation, et celle-ci n’existera pas sans autosuffisance économique, développement industriel et exploitation de toutes ses richesses sans ingérence d’étrangers impérialistes. Ainsi, le politique d’abord est devenu aujourd’hui une économie d’abord.
Ils souhaiteraient que Buenos Aires soit puissante et riche comme New York, fiévreuse d’activité, pleine de biens matériels. Leur opposition à New York est plus par émulation que par opposition.
De là naît leur antisémitisme. Là encore, malgré les raisons théologiques données par le Père Meinvielle, il y a une omission quant à la justification de leur critique du judaïsme international. Celle-ci se concentre surtout sur le pouvoir financier apatride du capital juif. Ils disent peu ou rien sur les causes idéologiques de cette lutte et sur la manière dont les diverses hérésies qui déchirent l’Église sont inspirées par le judaïsme. Un antisémitisme ainsi, comme celui des nationalistes, qui ne s’est pas soucié de se distinguer des massacres commis par Hitler, a énormément discrédité la véritable lutte contre la Synagogue, celle qui devait et doit être fondée sur la doctrine de Humanum Genus de Léon XIII.
6 — Pensée sociale, économique et politique influencée par le maurrassianisme et le fascisme
Le nationalisme, bien qu’abhorrant les idéologies, a une doctrine sur la société humaine, le bien commun temporel et ses relations avec l’Église. Comme nous l’avons dit au début, cette doctrine prétendait coïncider avec l’hispanité catholique, bien qu’avec une grave omission : elle n’a jamais exalté dûment le rôle essentiel et omniprésent de la religion catholique dans la constitution et l’instauration de l’ordre hispanique.
Pourtant, peu à peu, les racines naturalistes toujours présentes dans le nationalisme explicitaient une doctrine qui, en fin de compte, se distingue peu du maurrassianisme et du fascisme.
L’homme est un être social, et c’est là ce qu’il y a de plus noble en lui. Sa dimension spirituelle doit lui servir d’inspiration et d’encouragement pour mieux servir la Patrie, plutôt que de le replier sur lui-même. Le mal le plus grave apporté par le libéralisme a été l’individualisme égoïste. De lui découle l’avidité de profit caractéristique de l’économie capitaliste.
La société par excellence est la Nation. Celle-ci constitue un tout qui a sa propre personnalité. C’est quelque chose de donné, naturel, qui évolue depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours. Notre fidélité envers cette histoire nous oblige à la poursuivre, en reprenant toujours la ligne du « pays réel ».
La Nation est servie par une Politique avec un grand P, dont le premier critère doit être les intérêts nationaux. Maurras disait : « Nous ne faisons pas de la nation un dieu, un absolu métaphysique, mais au plus, en quelque sorte, ce que les anciens auraient appelé une déesse » (Mes idées politiques, p. 266, Édition Huemul, traduction de Julio Irazusta).
Toute politique suppose une élite vigoureuse et très efficiente pour la diriger. La figure la plus récente de cette élite ne contient plus l’élément « grandiose » que l’évolution dépouille en tant que « mythique » et remplace par celui de compétence, d’efficacité matérielle. Cette élite exercera un grand pouvoir de séduction sur la masse qui, sans elle, reste informe et est une proie facile pour les avares et capitalistes. Le nationalisme fournit cette élite d’illustres, qui n’est pas une noblesse mais une élite purement fonctionnelle, et il ne manque plus que le peuple comprenne la profonde affinité qui existe entre ses aspirations les plus profondes et cette élite pour que la synthèse salvatrice ait lieu. Tant que le peuple ne reconnaît pas la direction de cette élite, il est une masse ignorante et la proie de la démagogie, bien que non condamnable « in toto » puisqu’elle porte en elle la flamme du « pays réel ». Mussolini disait à Emil Ludwig : « Pour moi, la foule n’est qu’un troupeau de moutons tant qu’elle n’est pas organisée » (cité par « Ulysse », n° 35, novembre 1967, p. 26) (23).
Il est clair qu’une fois que la synthèse salvatrice désirée s’est produite, une dictature unipersonnelle devient urgemment nécessaire. Le chef est la consécration logique de l’élite. Cette dictature devra détruire par la force le pouvoir des ennemis de la nation — qui peuvent varier selon les circonstances — et abolir les partis politiques. Elle devra développer rapidement le pouvoir économique et militaire du pays.
Il y a deux ennemis de la nation : a) les ennemis internes, les idéologues contestataires qui introduisent des questions abstraites capables de diviser le peuple dont l’unité est un bien primordial ; les oligarques et capitalistes locaux complices du capitalisme étranger et les communistes internationalistes dépendants de Moscou.
b) Les principaux ennemis extérieurs sont les pays riches et développés, spécialement les États-Unis (avant l’Angleterre), qui détournent la richesse.
Le libéralisme a détruit l’autorité de l’État. Il faut donc la restaurer et lui rendre la domination sur son propre territoire. Pour cela, un contrôle rigide sur l’économie sera nécessaire : les principales activités productives doivent appartenir à l’État. Ainsi, le pétrole, la sidérurgie, les autres sources d’énergie, les transports, les chemins de fer, les banques, etc.
La terre est une source de richesse qui a été accaparée par les latifundistes. Il faut la redistribuer. Une réforme agraire sera une mesure à prendre. Autrefois, la terre était conçue principalement comme un espace pour qu’y habite un peuple, c’est-à-dire le foyer commun de tout le peuple. L’intangibilité du territoire impliquait donc le même caractère sacré que l’intangibilité du foyer. Dans le nationalisme récent, une position différente devient claire : la terre est un facteur de production de richesse. L’aspect sacré de son intangibilité passe au second plan au profit de son aspect purement utilitaire. De cette mentalité découle l’idée confiscatoire de la réforme agraire.
Bien sûr, cela ne signifie pas — disent-ils — nier la propriété privée, mais tout le contraire : c’est sa meilleure défense. En distribuant les terres aux travailleurs manuels, on fera des milliers de propriétaires qui deviendront un rempart contre le socialisme.
Ils ne croient pas non plus — ajoutent-ils — que le nationalisme soit contraire à la libre initiative économique. Il veut seulement empêcher les abus du capitalisme étranger et du capitalisme apatride interne. Les bons entrepreneurs sont, au contraire, un espoir de grandeur nationale, avec les ouvriers et les cultivateurs directs.
Les relations entre capital et travail ont été livrées par le libéralisme à la voracité des puissants et par le socialisme à la lutte stérile des classes. La solution nationaliste sera de les unir autour de quelque chose qui leur est commun : le produit. Cela donnera une base à l’organisation corporative de l’État. Bien sûr, il sera nécessaire que l’État force cette organisation, car deux cents ans de libéralisme et cent ans de luttes des classes ne sont pas passés en vain. On commencera par le syndicalisme. Une CGT unique et puissante sera le pilier du Nouvel Ordre.
Ce régime n’est pas incompatible — disent-ils — avec la liberté. Mieux encore, la défaite de l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale et la chute du péronisme semblent les avoir amenés à réfléchir sur combien ils s’étaient auparavant trompés en promouvant des réductions dangereuses dans le domaine de la liberté individuelle. Par ailleurs, il ne sera pas nécessaire de prendre des mesures coercitives contre les récalcitrants : ils seront balayés par l’évolution de l’histoire.
L’Église est une société surnaturelle, élevée et spirituelle, elle mérite toute notre dévotion et notre respect parce qu’elle a présidé la naissance de notre nation. Les relations de l’État avec elle doivent être les meilleures possibles. Au début, le nationalisme reconnaissait l’Église et l’État comme des sociétés parfaites et souveraines, conceptualisant leurs relations respectives en des termes qui, s’ils n’étaient pas explicités, pouvaient au moins s’ajuster à la fameuse figure des relations entre le Soleil et la Lune (24).
Ensuite, il est passé à soutenir la nécessité d’un concordat qui prenne en compte le fait douloureux mais réel que nous vivons dans une société pluraliste, qui n’admet plus les tutelles paternalistes comme au Moyen Âge. Aujourd’hui, l’Église est de plus en plus vue comme une partie très importante, oui, mais partie au final, de cette immense unité de production qu’est la Nation.
En matière d’éducation, ils soutenaient autrefois la nécessité de donner un contenu catholique à l’enseignement. Ils ne précisaient pas si cela devait être confié à l’Église. Mais maintenant, bien qu’ils insistent pour que l’éducation soit fidèle à « l’inspiration chrétienne » qui est au cœur de notre être national, ils mettent davantage l’accent sur la nécessité que l’éducation coopère au grand bond en avant que doit faire l’économie du pays.
Leur idée concernant les relations avec l’Église, ainsi que celle que nous venons d’exposer sur l’éducation, sont clairement d’inspiration maurrassienne : ils ne reconnaissent pas à l’Église une suprématie surnaturelle, fondée sur la foi, mais naturelle, fondée sur l’histoire.
En matière internationale, ils préconisent une politique indépendante, sans affiliation aux grandes puissances. Avoir des relations avec tous les pays du monde, quel que soit leur régime politique, commercer avec qui nous convient et former un bloc américain de nations en voie de développement.
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Notes :
21) Maurras avait déjà été condamné par saint Pie X, qui en avait réservé la publication. À ce sujet, un historien français déclare :
« …Le 15 janvier (1914), les consultants de l’Index avaient retenu cinq œuvres de Maurras (Le Chemin de Paradis, Anthinéa, Les Amants de Venise, Trois Idées politiques, L’Avenir de l’intelligence) et divergé sur deux (La politique religieuse, Si le coup de force est possible). Le 26, les cardinaux de l’Index avaient ajouté la revue « L’Action française » (mais pas le quotidien). Le 29, Pie X avait ratifié le décret, mais en avait réservé la publication (Documentation Catholique, XVII, 15 janvier 1929, col. 129-139). « Damnabilis, non damnandus », déclara-t-il. En décrétant la condamnation, le 29 décembre 1926, Pie XI inclura le quotidien » (p. 402 de « Intégrisme et Catholicisme intégral », Émile Poulat, Éd. Casterman, Paris, 1969).
22) « Quand nous disons politique d’abord — écrivait Maurras — nous voulons dire : le politique d’abord, première dans l’ordre du temps, en aucune manière dans l’ordre de la dignité » (Mes idées politiques, traduction de Julio Irazusta, Editorial Huemul, 1962, p. 139). Cependant, cette distinction ne sauve pas une vérité fondamentale : la Révolution possède trois profondeurs : d’abord dans les tendances et les idées, puis seulement dans les faits. Et ceux-ci ne sont pas seulement des faits politiques, mais aussi des faits artistiques, culturels, environnementaux, etc. Cela est magistralement expliqué par le Dr Plinio Corrêa de Oliveira dans son livre Révolution et Contre-révolution (Édition Argentine, Collection Tradition, Famille et Propriété, Partie I, chap. V, p. 77 et suiv.).
Par conséquent, une « contre-révolution » telle que Maurras prétendait en faire l’essai, qui n’attaquait que la révolution politique, tout en faisant des concessions à la révolution sophistique (dans les idées), voire à la Révolution morale, puisque Maurras était auteur de livres immoraux, ne pouvait évidemment être qu’une fausse contre-révolution, même dans le domaine politique. Il est impossible de séparer le plan politique de ses causes supérieures, bien que cela puisse se distinguer en spéculation et pour diviser les tâches.
L’erreur du politique d’abord pénètre toute l’idéologie de Maurras. Premièrement, en inspirant le mépris pour la métaphysique et, par conséquent, pour la religion en tant qu’elle enseigne des vérités métaphysiques et surnaturelles ; Maurras se disait partisan d’un « empirisme organisateur ». Deuxièmement, cela se reflétait dans sa conception « biologique » des lois naturelles politiques, qui le conduisait à mettre la morale de côté. « En observant la structure, l’ajustement, les connexions historiques et sociales — disait Maurras — on observe la nature de l’homme social (et non sa volonté), la réalité des choses (et non leur justice) : on constate un ensemble de faits dont on ne pourrait dire après tout s’ils sont moraux ou immoraux, car ils échappent par essence à la catégorie du droit et du devoir, dès lors qu’ils ne se réfèrent pas à nos volontés » (op. cit., p. 164). Comme si la volonté n’appartenait pas à la nature et comme si la justice n’était pas une réalité à prendre en compte prioritairement dans les relations humaines !
23) Il nous semble que la grande majorité des auteurs n’a pas accordé toute l’attention nécessaire à l’étude comparative entre Action Française d’une part et le fascisme d’autre part. Cependant, malgré les différences très réelles entre les deux, qui, pour ainsi dire, sautent aux yeux des spécialistes, il n’est pas difficile de noter qu’ils partagent un substrat philosophique commun et, par conséquent, une conception hypertrophiée analogue de l’État.
24) « Pour le firmament du ciel, c’est-à-dire l’Église universelle, Dieu fit deux grandes luminaires, c’est-à-dire qu’il institua deux grandes dignités, qui sont l’autorité pontificale et la puissance royale. Mais celle qui préside au jour, c’est-à-dire aux choses spirituelles, est plus grande ; l’autorité pour les choses nocturnes, c’est-à-dire temporelles, est moindre, puisqu’il est connu que la différence entre les pontifes et les rois est aussi grande que celle qu’il y a entre le soleil et la lune. » (Corpus iuris canonici, Pars II, Decret. Gregorii IX, lib. 1, Tit. XXXIII, Cap. VI, col. 196, Éd. Friedberg, Lipsiae, 1881).

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