Plinio Corrêa de Oliveira

 

 

Chapitre V
 
La tactique de la Contre-Révolution

 

 

 

 

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Révolution et Contre-Révolution

Titre original: Revolução e Contra-Revolução

Publié dans Catolicismo, São Paulo, Brésil, Avril 1959 (I et II), Janvier 1977 (III)

Edité par la Société Française pour la Défense de la Tradition, de la Famile et de la Propriété - TFP

2, avenue de Lowendal 75007 PARIS

Dépôt légal : 4ème trimestre 1997

ISBN: 2-901039-24-3

La tactique de la Contre-Révolution peut être considérée dans les personnes, les groupes ou les courants d'opinion, en fonction de trois types de mentalités : le contre-révolutionnaire actuel, le contre- révolutionnaire potentiel et le révolutionnaire. 

1. En ce qui concerne le contre-révolutionnaire actuel

Le contre-révolutionnaire actuel est moins rare qu'il ne paraît à première vue. Il possède une vision claire des choses, un amour fondamental de la cohérence et une âme forte. C'est pourquoi il a une notion lucide des désordres du monde contemporain et des catastrophes qui s'accumulent à l'horizon. Mais sa propre lucidité lui fait percevoir toute l'étendue de l'isolement dans lequel il se trouve fréquemment, au milieu d'un chaos qui lui semble sans solution. Alors le contre-révolutionnaire se tait souvent, découragé. Triste solution: « Vae soli », dit l'Ecriture (43).

Une action contre-révolutionnaire doit chercher, avant tout, à découvrir ces éléments, à faire en sorte qu'ils se connaissent, qu'ils s'appuient les uns sur les autres pour la profession publique de leurs convictions. Cette action peut être menée de deux façons différentes :

 

A. Action individuelle

Cette action doit être engagée avant tout à l'échelle individuelle. Rien n'est plus efficace qu'une prise de position contre-révolutionnaire franche et fière d'un jeune étudiant, d'un officier, d'un professeur, surtout d'un prêtre, d'un aristocrate ou d'un ouvrier influent dans son milieu. La première réaction qu'il obtiendra sera parfois l'indignation. Mais s'il persévère pendant un temps plus ou moins long, selon les circonstances, il verra, peu à peu, des compagnons apparaître.

 

B. Action d'ensemble

Ces contacts individuels tendent naturellement à susciter dans différents milieux un certain nombre de contre-révolutionnaires qui, s'unissant en une famille d'âmes, multiplient leurs forces par leur propre union.

 

2. En ce qui concerne le contre-révolutionnaire potentiel

Les contre-révolutionnaires doivent présenter la Révolution et la Contre-Révolution sous tous leurs aspects, religieux, politique, social, économique, culturel, artistique, etc. Car les contre-révolutionnaires potentiels ne les voient en général que sous un aspect particulier, et c'est par là qu'ils peuvent et doivent être attirés vers la vision totale de l'une et de l'autre. Un contre-révolutionnaire qui ne raisonnerait que sur un plan, le politique par exemple, limiterait beaucoup sa sphère d'influence, et exposerait son action à la stérilité, puis à la décadence et à la mort.

 

3. En ce qui concerne le révolutionnaire

A. L'initiative contre-révolutionnaire

Face à la Révolution et à la Contre-Révolution il n'y a pas de neutres. Il peut y avoir, bien sûr, des non-combattants, dont la volonté ou les velléités sont pourtant, consciemment ou non, dans l'un des deux camps. Par conséquent, par révolutionnaires nous n'entendons pas seulement les partisans intégraux et déclarés de la Révolution mais aussi les « semi-contrerévolutionnaires ».

La Révolution a progressé - cela a été vu - à force de cacher son visage total, son esprit véritable, ses objectifs ultimes.

Le moyen le plus efficace de la réfuter aux yeux des révolutionnaires consiste à la montrer tout entière, soit dans son esprit et les grandes lignes de son action, soit en chacune de ses manifestations ou manœuvres apparemment innocentes ou insignifiantes. Arracher ainsi ses voiles, c'est lui porter le plus dur des coups.

Aussi le contre-révolutionnaire doit-il s'adonner à cette tâche avec le plus grand zèle.

De façon secondaire, il est évident que les ressources d'une bonne dialectique sont elles aussi indispensables au succès d'une action contre-révolutionnaire.

Il y a certaines possibilités de collaboration avec le « semi-contrerévolutionnaire », comme d'ailleurs avec le révolutionnaire qui a des « caillots » contre-révolutionnaires. Cette collaboration crée un problème spécial : à quel point est-elle prudente ? A notre avis, la lutte contre la Révolution ne se déploie convenablement qu'en liant entre elles des personnes radicalement et entièrement exemptes du virus de celle-ci. On conçoit facilement que les groupes contre-révolutionnaires puissent collaborer, pour certains objectifs concrets, avec les éléments dont il a été question ci-dessus. Mais, admettre une collaboration totale et continue avec des personnes contaminées par l'influence révolutionnaire est la plus grave des imprudences, et peut-être la cause de la plupart des revers contre-révolutionnaires.

 

B. La contre-offensive révolutionnaire

Le révolutionnaire, en général, est effronté, verbeux et accoutumé à l'ostentation, quand il n'est pas en présence d'adversaires ou que ceux-ci sont faibles. Cependant quand il rencontre un adversaire qui l'affronte avec fierté et hardiesse, il se tait et organise la conspiration du silence. Un silence dans lequel on perçoit le discret bourdonnement de la calomnie ou quelque murmure contre « l'excès de logique » de l'adversaire, c'est vrai ; mais un silence confus et honteux qui n'est jamais interrompu par quelque réplique de valeur. Devant ce silence de confusion et de défaite, nous pourrions adresser au contre-révolutionnaire victorieux le mot spirituel écrit en une autre occasion par Louis Veuillot : « Interrogez le silence, il ne répondra point » (44).

 

4. Élites et masses dans la tactique contre-révolutionnaire

La Contre-Révolution doit chercher, autant que possible, à conquérir les multitudes. Cependant elle ne doit pas en faire son objectif principal sur le plan immédiat, et un contre-révolutionnaire n'a aucune raison de se décourager du fait que la grande majorité des hommes ne soit pas actuellement de son côté. Une étude exacte de l'Histoire nous montre en effet que ce ne furent pas les masses qui firent la Révolution. Elles se déterminèrent dans le sens révolutionnaire parce qu'elles avaient derrière elles des élites révolutionnaires. Si elles avaient eu derrière elles des élites d'orientation opposée, elles se seraient probablement déterminées en sens contraire. Le facteur « masse », comme le montre la vision objective de l'Histoire, est secondaire ; le facteur principal est la formation des élites. Or, pour cette formation, le contre-révolutionnaire peut toujours être pourvu des ressources de son action individuelle et peut donc obtenir de bons résultats, malgré le manque de moyens matériels et techniques avec lequel il a parfois à lutter. 


Notes :

(43) Eccle. 4, 10.

(44) Œuvres Complètes, P. Lethielleux Libraire-Éditeur, Paris, vol. XXXIII, pag. 349.

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