Plinio Corrêa de Oliveira

AMBIENCES, COUTUMES, CIVILISATIONS

Hérésiarques d'aujourd'hui et d'autrefois

"Catolicismo" Nº 16 - Avril 1952

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L e point de vue doctrinal auquel nous nous dévouerons aujourd'hui est celui de Léon XIII dans sa profonde et lumineuse Encyclique sur l'Histoire, "Parvenu à la vingt cinquième année".

Le grand Pontife enseigne que tous les progrès de l'Occident chrétien n'auraient jamais existé sans l'action surnaturelle de l'Église. C'est elle qui a élevé l'humanité au niveau moral élevé qu'elle a atteint au Moyen Âge ; c'est elle qui a enseigné aux peuples les principes de la sagesse politique et sociale d'où a découlé l'apparition de la civilisation justement appelée chrétienne ; c'est en son sein que se sont épanouies la théologie, la philosophie, les arts et la vie de la société.

L'éclosion du protestantisme au XVIe siècle a représenté la première révolte victorieuse de l'humanité contre l'Église de Dieu. L'Église prêche la soumission de la raison à la Foi ; la subordination des fidèles à la Hiérarchie sacrée ; la pureté des mœurs dans sa forme la plus sublime, c'est-à-dire le mariage monogame et indissoluble et la chasteté parfaite pour ceux qui ne vivent pas dans l'état de mariage. Le protestantisme a enseigné l'asservissement de la foi à la raison, du gouvernement ecclésiastique au peuple, a aboli le célibat des clercs et a institué le divorce. La Révolution française a été, au XVIIIe siècle, l'extension du protestantisme. Elle a proscrit tous les cultes, a proclamé la souveraineté de la raison, a diffusé le divorce dans les pays catholiques, et a placé tous les pouvoirs civils sous la dépendance du peuple souverain, précisément comme le protestantisme avait placé les organes de direction ecclésiastique sous la dépendance du peuple. Aux XIXe et XXe siècles, le communisme est l'extension et le paroxysme de cette tendance : égalité absolue même dans le domaine économique, athéisme radical, amour libre. En bref, trois révolutions qui ne sont que trois étapes dans la marche du monde vers un abîme profond.

Comme il est naturel, ces catastrophes successives ont progressivement produit leurs effets sur les ambiances, sur les coutumes, sur toute la transformation de la civilisation. Les hérésies et les hérésiarques, considérés dans l'ordre chronologique, sont devenus de plus en plus dépravés dans l'âme ou dans le corps, plus scandaleux, pires. C'est que plus le processus de décomposition s'accentue, plus ses symptômes deviennent actifs. Et plus l'impiété devient ou est censée devenir stable dans son triomphe, plus elle montre librement sa véritable physionomie.

Nous avons ici, par le pinceau de Lucas Cranach père, un groupe d'hommes ayant toutes les apparences de la gravité, de la circonspection, du recueillement : de gauche à droite, Luther, Jean Ecolampadius, Frédéric le Magnanime, électeur de Saxe, Zwinglio et Melanchthon, c'est-à-dire les hommes qui ont inondé l'Allemagne, la Suisse, le monde de sensualité. Mais il y avait encore parmi les hérétiques eux-mêmes des petits morceaux de moralité, des restes d'influence catholique : le peuple n'allait pas suivre des chefs religieux qui ne présentaient pas un semblant de recueillement et de gravité.

A quoi se réduisent aujourd'hui ces résidus de l'influence catholique dans certains milieux ? Pratiquement zéro. Et l'esprit des hérésiarques - qui est le même dans tous les siècles et pour toutes les doctrines - se manifeste aujourd'hui avec beaucoup plus de cynisme à la lumière du soleil.

Notre autre cliché montre un hérésiarque du vingtième siècle, le fameux "Father divine", qui obtient les suffrages enthousiastes du petit peuple de notre époque, comme le démagogue rusé qu'était Luther les obtenait du petit peuple de son temps. Le visage du FATHER DIVINE rayonne de la joie de vivre. Tout son corps semble saturé de bien-être. Sa jeune fiancée donne la même impression.

L'esprit de révolte de la sensualité vivait dans la peur et le secret au XVIe siècle. Et au vingtième siècle, sa victoire est si grande qu'elle se montre sans complexe. La foi, la pureté, celles-ci, malheureusement, s'imaginent dans la contingence de vivre en secret...

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