Chapitre VIII

La force du PSOE

pour faire triompher la «révolution effarante et tranquille»

 

1. Hégémonie dans le corps électoral

Habituellement, l'abstention se situe autour des 30 % à chaque scrutin, étant donné le manque d'intérêt et d'information chez beaucoup d'électeurs. Malgré cela, le PSOE peut se vanter d'une réelle prépondérance face aux autres partis.

Comment les socialistes évaluent-ils leur propre force pour gagner les élections, se maintenir au pouvoir et mener leur révolution ?

Felipe Gonzalez, dans un interview à une revue socialiste française, a analysé cette question : «Nous avons un tiers de la population électorale. (...) Pendant toute la législature, c’est un fait remarquable, l’intention directe de vote en notre faveur a toujours oscillé entre 32 et 36 %. Cela constitue ce qu'on aurait appelé, en argot classique, le ‘bloc de progrès' ». Il poursuit en disant que le rejet anti-PSOE est minoritaire : «L'autre donnée fondamentale de la réalité politique est la suivante : le bloc de refus de l'option socialiste ne dépasse pas 10 ou 11 %».

Felipe Gonzalez se félicite aussi des craintes qui paralysent la droite : «Curieusement, l'un des héritages du franquisme, c’est que les gens n'osent pas avouer qu’ils voteront pour la droite.»

Il en conclut triomphalement : «Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que nous sommes sur le point d'obtenir – mais sans doute l'avons-nous déjà obtenue – la constitution d'un bloc hégémonique dans la société civile (...) Même s’il est minoritaire, ce bloc continuera d'être hégémonique (...) Si l'on part de cette réalité (...) on peut dire, en toute objectivité, honnêtement, que la perspective politique est celle d'une hégémonie du socialisme démocratique en Espagne pour une période de vingt ou vingt-cinq ans»[1].

   

2. Raison de cette hégémonie : résonance libertaire avec les uns et assoupissement chez les autres

Dans le même interview, Felipe Gonzalez a expliqué la raison de la force électorale socialiste et de son actuelle hégémonie : «Sur quoi se fonde-t-elle ? C’est un processus difficile à cerner conceptuellement, avec le langage habituel des politologues. C’est parfois d'ordre psychologique, culturel, spirituel. Je dirais, en gros pour l'instant, qu'il s’est produit, dans les profondeurs de notre société un processus complexe d’ajustement, d’identification, entre nous et la société elle-même. Le Parti Socialiste, d’une certaine façon, incarne pour les citoyens tous les processus de changement et de libération qui ont caractérisé la dernière décennie. Libération des idées, des moeurs, de l’éducation... Libération de la femme, surtout. C’est sur la conscience sociale (...) de cette identification entre le parti socialiste et les processus de changement et de libération que se développe notre hégémonie»[2].

L'explication de Felipe Gonzalez est incomplète. Elle laisse dans l'ombre les artifices et les sinuosités grâce auxquelles le PSOE obtient cette hégémonie, notamment la mise en sommeil de l'opinion publique. C'est précisément l'objet de la dénonciation faite par la TFP espagnole.



[1] Le Débat, Paris, novembre-décembre 1986, pp. 17-18.

[2] Ibid., p. 18.


 

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