Plinio Corrêa de Oliveira

 

Première Partie

La Nature Juridique de l’Action Catholique

 

Chapitre I

Doctrine sur l'Action Catholique et le mandat de la Hiérarchie

 

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Titre original: Em Defesa da Ação Católica

Publié par Edições "Ave Maria", São Paulo, Brésil, 1943 (1ère édition)

En Défense de l’Action Catholique, préfacé par Son Excellence Mgr Benedetto Aloisi Masela, Nonce Apostolique au Brésil, 1943. La lettre d’éloges, adressée à l’auteur au nom du Pape Pie XII par Mgr Jean-Baptiste Montini, alors Substitut du secrétaire d’Etat et futur Paul VI, constitue une appréciation éloquente, de la part de l’autorité ecclésiastique suprême, des dénonciations faites par ce livre.

Origine des organisations actuelles de l’Action Catholique

La première question que nous devons examiner est celle de la nature juridique de l'Action Catholique.

Avant le pontificat de Pie XI, l'expression « action catholique » était employé pour désigner l'apostolat des laïcs en général et tous les efforts développés dans ce domaine pour la ré-christianisation de l'individu, de la famille et de la société. Ainsi, toutes les organisations qui se consacraient à cette tâche pouvaient légitimement se dire des œuvres d'action catholique. Pendant le pontificat de Pie XI, des organisations ayant pour but spécifique de promouvoir systématiquement et d'organiser l'apostolat des laïcs ont été érigées, et le Saint-Siège a donné à ces nouvelles organisations le nom d'Action Catholique.

Par conséquent, un grand nombre d'auteurs ont commencé à établir une distinction entre les nouvelles organisations appelées « Action Catholique » - les seules à avoir le droit d'utiliser ce noble titre avec des majuscules - et « l'action catholique », désignation générale pour les activités de l'apostolat des laïcs qui ont précédé la fondation de l'Action Catholique et les organisations d’apostolat qui l’ont suivies mais sont restées en dehors de ses cadres fondamentaux.

 

La nature juridique de l’Action Catholique : Son mandat

Quelle est la nature juridique (1) des organismes de l'Action Catholique ?

Il est généralement affirmé que, lorsqu'il créa ces nouvelles et importantes organisations de l’apostolat des laïcs et convoqua tous les fidèles à les rejoindre, Pie XI a formulé un mandat clair et solennel octroyant aux laïcs inscrits à l'Action Catholique un nouveau poste au sein de l'Eglise.

 

Notions sur le mandat

Expliquons mieux expliquer cette doctrine. Comme nous le savons, Notre Seigneur Jésus-Christ commanda a Pierre et aux autres apôtres de continuer son œuvre de prédication de la Bonne Nouvelle à tous les peuples, en les introduisant, par le baptême, dans la vie de la grâce, et en les gouvernant dans cette vie jusqu'à ce qu'ils atteignent la béatitude éternelle. L'expression impérative de la volonté du divin Maître - qui constitue une commande, mandatum en Latin – entraîna pour les Douze et leurs successeurs une obligation, une responsabilité, une tâche et, en même temps, un pouvoir.

En effet, contraints par le divin Maître à prêcher la Vérité, à administrer les sacrements, et à gouverner les âmes, tout ce qu'ils avaient à faire dans l'accomplissement de cette tâche, ils le feraient en vertu de la volonté du Rédempteur, qui en faisait ses authentiques représentants et ambassadeurs, envoyés investis de toute l'autorité qu’avait Notre Seigneur lui-même à juste titre pour accomplir sa mission sur terre. Ainsi, ce «commandement » de faire de l'apostolat est proprement dit une procuration impérative qui fait des apôtres de véritables « mandataires ».

 

Notion ecclésiastique et civile de « mandat »

Nous insistons cependant sur une différence notable : Bien que les procurations actuellement utilisées dans la vie civile soient exercées librement par le mandataire, qui peut démissionner à tout moment, le mandat donné à saint Pierre et aux apôtres était impératif et leur imposa une double obligation, à savoir d'abord celle d'accepter la procuration et ensuite celle de l'exercer conformément à la volonté du divin Mandant. Les pouvoirs reçus par saint Pierre et les apôtres ont ensuite été transmis au Souverain Pontife et à la hiérarchie ecclésiastique au fil des siècles, faisant des actuels dirigeants de l'Eglise les légitimes successeurs des Douze.

 

Le caractère hiérarchique de l'Action Catholique déduit du mandat

Ayant énoncé ces notions préliminaires, nous tournons maintenant nos regards vers l'historique du grand et lumineux pontificat de Pie XI. De nombreux auteurs d'ouvrages sur l'Action Catholique soulignent que la situation d'urgence dans laquelle se trouvait l'Eglise alors - et qui, malheureusement, est loin d'avoir cessé – a amené le pontife à :

1. ordonner aux laïques de s’engager dans les travaux de l'apostolat ;

2. fonder une organisation où tout ce travail devait être fait dans son cadre et sous sa hiérarchie interne ;

3. et, implicitement, donner à cet organisme la même obligation, et lui imposer la même tâche, charge ou responsabilité que celle imposée à chacun de ses membres.

Deux points de contact ont été constatés entre ces faits et le mandat donné par Notre Seigneur Jésus-Christ à la hiérarchie :

1. d'analogie : les situations étaient similaires, parce que la hiérarchie avait procédé à l'égard de l'Action Catholique d'une manière qui rappelle l'attitude de Notre Seigneur, lorsqu’Il a investi les Douze avec autorité ;

2. de participation : La hiérarchie transmet des pouvoirs à l'Action Catholique. Quels sont ces pouvoirs ? Évidemment, rien provenant d’aucune autre source que les pouvoirs qu’avait reçus la hiérarchie elle-même. Les pouvoirs ou fonctions transmises seraient, par conséquent, de nature hiérarchique afin qu'ils puissent « participer à l'apostolat hiérarchique de l'Église », selon la définition de Pie XI.

 

Conséquences pratiques :

Nous demandons pardon à nos lecteurs pour la monotonie de ces énumérations, mais il n'y a pas de meilleure méthode pour clarifier autant que possible des sujets subtiles et complexes par nature et qui induisent facilement la confusion dans les esprits. Nous allons donc maintenant énumérer les conséquences pratiques qui résultent de tout ce qui a été décrit : 

a) Vis-à-vis les autres organisations laïques

1. En créant une organisation spécifique pour l'exercice de ce mandat, Pie XI affirma très clairement que ce mandat n’affecte pas les associations apostoliques préexistantes, mais seulement la structure juridique de l'Action Catholique.

2. Cela étant, ce n'est qu'en s'inscrivant dans cette entité et en agissant en union avec elle que les fidèles accomplissent la tâche dont le Pontife a parlé, et par conséquent, seuls les membres de l'Action Catholique ont un mandat.

3. Aucune association en dehors des organisations dites fondamentales de l'Action Catholique n’a, par conséquent, de mandat, ni aucun membre de ces associations qui n'a pas été personnellement inscrit dans l'un des organismes dits fondamentaux.

4. La suite logique du mandat confié aux organisations fondamentales de l'Action Catholique serait que toutes les autres associations préexistantes, pour autant qu'elles accomplissent l'une des finalités de l'Action Catholique, seraient en train de survivre sur un terrain accordé à cette dernière, ce qui revient à affirmer qu’elles devraient disparaître.

5. Et comme le Saint-Siège souhaitait procéder d'une façon paternelle, en n'appliquant pas la peine de mort à des entités jadis bien méritantes, il suggéra, tout en en faisant la louange, que leur époque était révolue, indiquant ainsi à des laïcs zélés et intelligents -, pour qui « un mot dit aux sages en suffit » - qu'ils évitent de rejoindre et de travailler dans de telles associations, d'ores et déjà dans un état pré-cadavérique.

6. Certains reconnaissent que les associations ayant un caractère strictement religieux pourraient survivre ; car, comme on dit, l'Action Catholique ne se préoccupe pas de la piété ; d'autres croient que l'Action Catholique suffit pour tout, et que même ces associations-là sont tout à fait superflues et devraient disparaître : en effet, puisque « non sunt multiplicanda entia sine necessitate » leur raison d'être a disparu.

7. Les deux courants croient, néanmoins, que l'apostolat ne doit être fait que par l'Action Catholique, et que, jusqu'à ce qu’elles se meurent, les autres associations d'apostolat devraient procéder à des activités modestes et inexpressives, seules compatibles avec des entités en route vers la tombe.

8. Certains ne vont pas aussi loin, estimant que les associations antérieures aux structures juridiques actuelles de l'Action Catholique ne devraient pas disparaître, ni renoncer à l'apostolat, mais plutôt occuper, avec leurs œuvres et activités, une position tout à fait secondaire : puisqu’elles n'exercent pas un apostolat « mandaté », elles devraient récolter seulement les rares grains de blé que les faucilles des moissonneurs, en raison de l'excès de travail, laissent derrière eux sur le terrain du propriétaire. 

b) Vis-à-vis de la hiérarchie

Ce sont les conséquences concrètes qui, en ce qui concerne les relations entre l'Action Catholique et d'autres associations catholiques, résultent de façon logique ou illogique des doctrines que nous venons de décrire. Cependant, leurs effets dans le domaine des relations entre l'Action Catholique et la hiérarchie sont encore plus importants :

1. Certains croient que le mot « participation » doit être compris dans son sens le plus exact et rigoureux, et que le mandat accordé par le Saint-Père Pie XI a intégré les membres de l'Action Catholique dans la hiérarchie de l'Eglise.

2. D’autres pensent que les membres de l'Action Catholique ne participent pas à la hiérarchie, mais dans l'apostolat de la hiérarchie ; autrement dit, bien que n'appartenant pas à la hiérarchie, ils exercent des fonctions à caractère hiérarchique comme, par exemple, un prêtre qui reçoit le pouvoir d'administrer le sacrement de la Confirmation exerce des fonctions épiscopales, sans toutefois être évêque.

3. De nombreux commentateurs se sont fondés sur un de ces avis (ou sur les deux) pour affirmer que l'Action Catholique a été investie de cette autorité, que les laïcs affiliés à elle dépendent directement des évêques, de qui ils ont reçu un mandat, et non pas des curés des paroisses ou des assistants ecclésiastiques, qui n'ont aucun pouvoir de conférer l’office hiérarchique. Quelques-uns en Italie affirmèrent que, puisque le mandat avait été accordé par le Souverain Pontife, les membres de l'Action Catholique devraient être soumis à lui seul et non à l'épiscopat et devraient recevoir leurs ordres de l'Office central romain, qui fonctionne sous l'autorité immédiate du Saint-Père.

Insistons encore sur deux autres conséquences importantes qui en sont habituellement tirées : 

c) Concernant l’organisation et les méthodes d’apostolat de l’Action Catholique

1. Le mandat donne à l'apostolat de l'Action Catholique, une fécondité irrésistible, non pas au sens figuré et littéraire du terme, mais dans son sens propre et étymologique.

2. Ainsi, doté de ressources invincibles pour la sanctification de ses propres membres, ainsi que pour attirer des fidèles qui lui sont étrangers, voire des infidèles, l'Action Catholique devrait avoir des méthodes d'organisation interne et d’apostolat extérieur totalement différents de tout ce qui a été pratiqué jusqu'alors.
Laissons ces deux dernières questions et le problème des relations entre l'Action Catholique et d'autres organisations pour les chapitres ultérieurs, et commençons à étudier l'essence juridique de l'Action Catholique et ses relations avec la hiérarchie ecclésiastique.

 

Remarques importantes

Nous ne voudrions pas terminer ce chapitre, cependant, sans souligner qu'il est extrêmement difficile de décrire de façon schématique les erreurs existantes concernant l'Action Catholique. Comme ils sont souvent le fruit de passions plus ou moins vives, il y a un grand nombre de positions intermédiaires qui peuvent être prises. Pour cette raison, nous essayons de souligner, aussi complètement que possible, seulement les positions les plus caractéristiques, de sorte qu'une fois qu’elles sont réfutées, les situations intermédiaires croulent d'elles-mêmes. 

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Note :

(1) Lorsque nous utilisons l'expression « nature juridique », nous le faisons dans le sens de « constitutif formel ».


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