« Plinio Corrêa de Oliveira, apôtre insigne, polémiste fougueux et intrépide » par le cardinal Bernardino Echeverria Ruiz, OFM
Le nouvel Aperçu, Paris, n° 15 Janvier/Février 1996, pages 1, 2 et 5 |
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Son Eminence Mgr Bernardino Echeverria, O.F.M., président honoraire de la Conférence des évêques d'Equateur, est un des fondateurs du CELAM. Il a été nommé cardinal lors du consistoire de novembre 1994. La nouvelle inattendue de la mort de Plinio Corrêa de Oliveira nous a amené à réfléchir sur quelques chapitres de sa vie et à penser que plus les maux d’une époque sont intenses, plus les figures que la Divine Providence suscite pour leur faire face sont des phares lumineux : reflet de Son dessein de combattre les crises en suscitant des âmes de feu. Il arrive pourtant que ces âmes soient l’objet des attaques les plus passionnées et les moins fondées, par lesquelles on prétend les réduire au silence, exemple de l’obstination qui pénètre parfois l’esprit de certaines catégories humaines. Quand ces figures sont réellement grandes, leurs adversaires n’arrivent pas alors à les abattre ni à les faire taire, et ces attaques injustes finissent au contraire par rehausser - même si leurs auteurs ne le souhaitent pas - les qualités de ces âmes d’élection. C’est ce qui s’est passé avec le Divin Sauveur, attaqué, vilipendé et martyrisé par ses bourreaux ; sa Lumière brillera dans son Eglise, malgré tout ces efforts pour la détruire, jusqu’à la fin des siècles. Christianus alter Christus - le chrétien est un autre Christ : une chose semblable s’est produite avec Plinio Corrêa de Oliveira, durant plusieurs décennies, jusqu’à son décès récent et regrettable. En vérité, dans notre continent et dans la plus grande partie de l’Occident, il a été difficile de mentionner son nom, ces derniers temps, sans déclencher applaudissements et admiration d’un côté, et de l’autre, de véritables tempêtes verbales, toujours passionnées et sans aucuns fondements. Il était fréquent qu’à la furie des attaques lancées contre lui il répondît avec des arguments qui, par une exposition sereine, invariablement courtoise, riche, incisive, claire et contondante, dissipaient les objections et remettaient les choses à leur place. Et bien qu’il eût dû par la mériter la gratitude de ses opposants pour avoir élevé la polémique, il n’en recevait souvent que haine, rancœur et jalousie. Dans les années 40, quand le nazisme et le fascisme étaient une mode à laquelle bien des gens succombaient en Europe comme en Amérique, la plume de Plinio Corrêa de Oliveira dénonça avec courage l’imposture néo-païenne, socialiste et gnostique qui inspirait cette aberration, et il préserva ainsi de nombreux milieux catholiques de cette influence néfaste. Aujourd’hui, où attaquer le nazisme et le fascisme est devenu un lieu-commun - entre autres parce qu’il est facile de lancer des diatribes contre des erreurs qui comptent un nombre infime d’adeptes - il n’est pas rare de rencontrer, parmi les prétendus ennemis actuels de cette idéologie, ses complices d’hier. Et ceux-là mêmes, cependant, se taisent ou murmurent contre Plinio Corrêa de Oliveira, qui a critiqué avec lucidité et courage cette imposture quand elle était sur le point de dominer le monde. Après la seconde guerre mondiale, l’histoire a viré de bord et beaucoup d’anciens adeptes du nazisme et du fascisme se sont retournés contre lui, transférant leur tendance à la temporisation envers l’ennemi mortel en faveur du marxisme. Grâce à eux, celui-ci avança alors dangereusement dans le monde entier, malgré les dizaines de millions de victimes qu’il faisait. Une fois de plus, Plinio Corrêa de Oliveira se maintint intrépide dans la polémique - à présent contre le communisme, le socialisme et leurs collabos - durant de longues décennies, car la Révolution s’obstinait à mettre cette aberration en avant, dans tous les pays. Malheureusement, les milieux catholiques, qui n’avaient pas été imperméables à l’infiltration nazifasciste, n’ont pas non plus échappé au marxisme, et il y eut de nombreux exemples de condescendances très graves envers cette erreur, ce qui eut aussi pour résultat de déclencher une hostilité furieuse contre ceux qui l’attaquaient. Bien sûr, ce qui caractérise la position de Plinio Corrêa de Oliveira n’est pas simplement l’anti-nazisme ou l’anti-communisme. Ces deux choses étaient chez lui le résultat d’une position doctrinale catholique, entièrement cohérente et remarquablement ardente, en défense des principes de l’Eglise, et spécialement de ceux qui étaient attaqués par ses ennemis les plus virulents. Sa préoccupation primordiale dans l’apostolat était l’apologétique et il voulait que la logique et la doctrine, dans toute leur vigueur, soient au service de cette apologétique. Jeune, il y a plus d’un demi-siècle, il publie un ouvrage qui aujourd’hui encore remue les consciences, En défense de l’Action catholique, pour lequel il recevra de chaudes félicitations de Pie Xll, transmises par Mgr Jean-Baptiste Montini, Substitut de la secrétairerie d’Etat, lequel, quelques années plus tard, fut élevé au Trône pontifical sous le nom de Paul Vl. Ce livre causa enthousiasme chez certains et aigreur chez d’autres, car il dénonçait les erreurs en formation dans les milieux catholiques, pour lesquelles certains montraient de l’indulgence et d’autres de l’indifférence, mais dans lesquelles Plinio Corrêa de Oliveira voyait - comme l’histoire l’a confirmé par la suite - les germes d’une grande crise future dans la Sainte Eglise. En considérant rétrospectivement l’histoire récente, en se souvenant de cet avertissement lucide ainsi que du véritable cataclysme qui a secoué l’Eglise ces dernières décennies et qui n’est pas encore terminé, nous ne pouvons que nous exclamer : « Ah ! si cette voix avait été entendue... ! » En vérité, il n’est pas besoin de beaucoup de sagesse ni d’un grand zèle pour voir le danger de maux puissants et manifestes, mais ces deux qualités sont indispensables pour noter le risque qu’ils représentent lorsqu’ils ne sont que naissants. Et bien, Plinio Corrêa de Oliveira savait voir de loin les dangers et il savait les dénoncer, s’appliquant surtout à révéler ceux qui étaient occultes, même si cela lui attirait beaucoup d’ennuis par la suite, son attitude frustrant souvent les plans des ennemis de l’Eglise. Il désirait que les enseignements de Notre Seigneur Jésus-Christ imprégnassent à fond la société contemporaine, selon la devise de saint Pie X « Omnia instaurare in Christo », qui a tant ému le monde catholique à l’aurore de ce siècle et qui, depuis, a inspiré l’action des meilleurs apôtres. Son œuvre Révolution et Contre-Révolution, publiée en 1959, analyse l’histoire des derniers siècles et la situation du monde contemporain, en montrant qu’un processus a rongé la chrétienté et s’efforce d’en détruire les restes pour instaurer un régime opposé en tout point à la loi de Dieu. Face à ce processus, le catholique authentique, comme le signale saint Paul, « ne peut se conformer avec le siècle présent » (Rom. 12.2), c’est-à-dire ne peut vouloir un modus vivendi entre l’Eglise et les tendances qui dominent le monde, mais au contraire doit vouloir, pour Elle et pour la civilisation chrétienne, une vigueur et un éclat plus grands encore qu’elles ne les ont eus au long de leurs meilleurs jours dans l’histoire. Aussi, le catholique doit-il appliquer entièrement la sentence sage et sévère de Notre Seigneur « Nul ne peut servir deux maîtres » : et pour cela Plinio Corrêa de Oliveira a consacré toutes ses énergies, au cours d’une existence longue et féconde, au combat intrépide contre ce processus, et à la rechristianisation de l’ordre temporel, en vue du Royaume du Christ, du Royaume de Marie. Son dernier livre, Noblesse et élites traditionnelles analogues dans les allocutions de Pie XII au Patriciat e à la Noblesse romaine, dont nous avons déjà eu l’occasion de faire l’éloge, a vu le jour plusieurs décennies après les derniers discours du regretté Pontife, les faisant sortir de l’oubli profond dans lesquels ils étaient tombés et montrant tout le bien qu’ils auraient fait au monde contemporain si, depuis lors, les chefs religieux et civils s’en étaient inspirés. Son œuvre s’est répandue dans 27 pays, parmi lesquels le nôtre, où le zèle combatif du maître a suscité un idéal plein d’enthousiasme chez ses disciples, stimulant leur piété, orientant leur étude et leur action, à une époque où les erreurs doctrinales, l’indifférentisme religieux, les attitudes intéressées et l’obsession pour s’accommoder des pires situations deviennent chaque jour plus fréquents. Il nous reste donc à demander à la Très Sainte Vierge qu’ayant appelé à Elle celui qui lui avait dédié sa vie, Elle bénisse son œuvre dans le futur, d’autant plus que les événements présents annoncent d’autres crises et conflits à affronter et à vaincre, ce pour quoi son aide maternelle est indispensable, comme le montre la vie de Plinio Corrêa de Oliveira. Quito (Equateur), 8 novembre 1995 (Publié le dimanche 12 novembre, page 4 du cahier B, rubrique religieuse, du journal El Universo.) |